Au milieu des années 1990, il n’y avait déjà plus un seul km2 d’obscurité totale sur le Plateau suisse. L’augmentation de l’éclairage s’est poursuivie : les émissions lumineuses ont encore plus que doublé depuis cette époque.
Une nuit dans la nature
Dès le coucher du soleil, c’est une intense vie nocturne qui s’active dans l’obscurité. D’innombrables espèces ont trouvé leur équilibre dans des environnements à très faible intensité lumineuse. Mais depuis quelques décennies, ces espèces sont mises en danger par l’augmentation inconsidérée des éclairages qui perturbent leur alimentation, leur orientation ou leur accouplement. Chronologie d’une nuit d’aujourd’hui, sur le Plateau suisse, de 20 h à 7 h du matin.
La nuit tombe et les réverbères s’allument.
20 h : Le muscardin a besoin d’obscurité pour se déplacer sans s’exposer à ses prédateurs. Dans des milieux trop éclairés, il peine à s’alimenter. En effet, les éclairages représentent de vrais obstacles qui fragmentent son lieu de vie.
21 h : La femelle ver luisant émet son signal lumineux afin d’attirer les mâles. Avec les éclairages artificiels, les mâles n’arrivent plus à la repérer. La reproduction ne peut plus avoir lieu.
22 h : À la lumière des lampadaires, les feuilles des arbres grandissent exagérément, ce qui l’expose davantage à la pollution et au stress hydrique. En automne, la chute de ses feuilles sera retardée.
23 h : Le papillon de nuit est attiré par les éclairages artificiels. Il peut en mourir ou, restant bloqué proche du réverbère, ne remplit plus son rôle de pollinisateur.
0 h: Les éclairages artificiels perturbent l’accouplement des lucioles.Bioluminescents, les mâles et les femelles ne peuvent communiquer que dans l’obscurité.
1 h : La chauve-souris doit se déplacer pour chasser. Lorsque des éclairages artificiels coupent ses corridors de vol, elle doit faire de grands détours ou abandonner certaines zones. Elle a alors moins d’énergie et de possibilités de se nourrir.
2 h : La grive musicienne s’épuise lors de ses migrations, car la lumière des villes la dévie de sa trajectoire habituelle. De nombreux oiseaux comme le rouge-gorge ou les roitelets entrent en collision avec les bâtiments éclairés et meurent sur le coup.
3 h : Le crapaud commun limite ses déplacements lorsqu’il y a des éclairages artificiels, car il n’aime pas les contrastes « ombre et lumière ». À la lumière, il est trop exposé à la prédation.
4 h : Le blaireau fréquente moins les lisières de forêts éclairées que celles qui ne le sont pas. Son rayon d’action est réduit, il peine à trouver à manger.
5 h : Habituée à de très faibles lumière, la chouette hulotte est dérangée par les éclairages artificiels. Ses yeux hypersensibles, entourés de paraboles, sont constamment éblouis.
6 h : Ébloui par les phares des voitures, le chevreuil peut être désorienté et provoquer un accident en se précipitant sur la route. Les routes forment ainsi des barrières dangereuses à traverser.
7 h : Attirés par les réverbères, les éphémères quittent leur lieu de vie. Ils tournent autour des réverbères, s’écrasent et se brûlent contre ceux-ci ou restent immobiles, éblouis, au lieu d’utiliser leur courte vie pour se reproduire.
Éblouissement
Les espèces nocturnes sont sensibles à de très faibles variations d’intensité lumineuse. Pour elles, un clair de lune (environ 0,25 lux lors d’une pleine lune et d’un ciel sans nuage) représente déjà un éclairage très puissant. Les réverbères dérangent les espèces habituées à l’obscurité. On imagine dès lors l’agression que représente un court de tennis éclairé la nuit qui émet environ 200 lux, soit 800 pleines lunes.
Un éclairage plus intelligent
Pour réduire les effets négatifs de l’éclairage sur l’environnement, il est opportun de se poser les sept questions mentionnées ici et d’y répondre par l’affirmative. Ces conseils s’adressent à la fois aux professionnels et aux particuliers.
Nécessité
L’éclairage prévu est-il vraiment nécessaire ?
Intensité
L’intensité de cet éclairage est-elle adaptée à la situation ? Si besoin, un variateur permet d’adapter cette intensité en fonction des moments.
Couleur de la lumière
Dans le spectre lumineux, la couleur de l’éclairage choisie est-elle adaptée à la situation ?
Positionnement des luminaires
Le type de luminaire est-il approprié ? L’éclairage est-il le plus précis possible afin d’éviter la dispersion inutile de lumière dans les alentours ?
Orientation des luminaires
L’éclairage se fait-il bien de haut en bas, comme c’est la règle pour réduire la pollution lumineuse ?
Gestion danks le temps
L’éclairage est-il éteint dans les moments où il n’est pas nécessaire ? Si besoin, un système de déclenchement automatique doit être installé.
Écrans protecteurs
Faut-il prévoir des écrans protecteurs pour limiter la diffusion de la lumière ? Des écrans additionnels peuvent être installés dans certains cas problématiques spécifiques.
Sources
OFEV ; Manuel Ruedi, Muséum Genève ; Romain Sordello, Muséum national d’Histoire naturelle de Paris (article) ; Pro Natura Suisse ; encyclopedie-environnement.org ; OVL – Observatoire des verts luisants et des lucioles ; energie-
environnement.ch ; leclairage.fr ; Wikipedia ; Brochure « Limitation des émissions lumineuses – Notice à l’attention
des communes » (ACS, ASIC, UVS, Cercl’air, OFEV).
Dernière modification 28.09.2022
