Recherche: Le mercure gazeux enfin mesuré

Les méthodes d’analyse modernes sont d’une aide précieuse pour contrôler le respect de la réglementation des produits chimiques. Ainsi, une procédure développée par l’OFEV permet désormais de mesurer le mercure sous sa forme gazeuse dans les lampes économiques.

Texte : Nicolas Gattlen

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© José M. Domínguez / Adobe Stock

Renato Figi pose l’ampoule économique dans un récipient, le remplit à moitié avec un liquide violet, et perce le culot avec un outil pointu. Instantanément, la solution s’introduit dans le tube fluo­rescent. « Maintenant, le mercure est capturé », explique le collaborateur du Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (Empa). À la demande de l’OFEV, Renato Figi a développé une méthode qui permet pour la première fois de déterminer la teneur gazeuse de ce métal lourd liquide dans les lampes économiques et les tubes fluorescents – jusque-là, dans le monde entier, seul le mercure lié était mesuré. Son idée est ingénieuse : il utilise le vide d’air à l’intérieur de l’ampoule pour y faire pénétrer la solution violette de permanganate de potassium. Celle-ci lie le mercure gazeux, dont la quantité peut ensuite être mesurée avec précision grâce à la technique de vapeur froide suivie d’une spectrométrie UV.

Du gaz toxique dans les ampoules usagées

« Le mercure gazeux peut représenter jusqu’à 80 % de la quantité de mercure présente dans les ampoules usagées et jusqu’à environ 2 % dans les ampoules neuves », explique le chimiste. Il faut en tenir compte pour les contrôles sur le marché et lors de l’élimination et du recyclage. En outre, précise-t-il, ce métal lourd est plus dangereux sous forme gazeuse qu’à l’état lié. « Lorsqu’une am­poule se casse, le gaz toxique peut s’échapper dans l’atmosphère. » Toutefois, selon l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), seule l’inhalation d’une quantité importante de mercure présente un risque pour la santé, par exemple si plusieurs tubes fluorescents renfermant jusqu’à 15 milli­grammes chacun se brisaient simultanément dans un petit local.

La toxicité du mercure est connue depuis long­temps et ne se limite pas à l’exposition directe. Non dégradable, il s’accumule dans l’environnement et peut entrer dans la chaîne alimentaire. Ainsi, les poissons de mer séjournant dans des eaux polluées sont fortement contaminés. Et leur consommation affecte finalement aussi les êtres humains, comme l’a montré au milieu du siècle dernier la catastrophe de Minamata, au Japon. C’est pourquoi la communauté internationale s’est engagée en 2013, par la convention éponyme, à réduire les émissions de mercure. En Suisse, l’utilisation du métal liquide et l’importation de produits qui en contiennent sont soumises à des restrictions depuis environ 30 ans. Celles-ci ont été continuellement élargies à d’autres domaines ces dernières années avec l’adoption de règles de l’Union européenne. Aujourd’hui, le mercure est interdit dans tous les processus industriels et presque tous les produits commerciaux. Mais pas dans les lampes à décharge (tubes fluorescents, ampoules économiques, etc.), où il est indispensable, car c’est lui qui produit la lumière.

La recherche au service des cantons

Les ampoules LED offrent désormais une va­riante efficace sur le plan énergétique ; cependant, les lampes à décharge resteront encore quelques années sur le marché. L’ordonnance fédérale sur la réduction des risques liés aux produits chimiques fixe une quantité maximale de mercure en fonc­tion de leur type, de leur taille et de leur puissance. Les valeurs limites sont régulièrement contrôlées selon les dernières connaissances techniques et corrigées vers le bas. Les cantons étant responsables de l’application de la législation sur les produits chimiques, c’est à eux de vérifier si les produits commercialisés sont conformes. Les dernières adaptations des valeurs limites leur ont posé un gros défi : elles exigeaient de nouvelles méthodes d’analyse plus précises, qu’un labora­toire cantonal n’a guère la possibilité de développer. L’OFEV a donc confié cette tâche à l’Empa.

« L’OFEV lance ou finance régulièrement ce genre de recherches », explique Urs von Arx, de la section Produits chimiques industriels. En général, c’est l’adaptation des prescriptions à la suite de la réévaluation du risque d’une substance qui les rendent nécessaires. Mais, pour pouvoir assumer leur tâche de contrôle, les autorités doivent disposer de méthodes adéquates, souligne le responsable de l’OFEV. Les entreprises aussi en profitent : « Elles peuvent utiliser les nouvelles procédures pour les analyses de flux de substances et pour déterminer si leurs produits et processus respectent la réglementation en vigueur. » Ces analyses permettent d’établir l’origine, la forma­tion, les processus de transformation et les moyens d’élimination d’une substance ou d’un groupe de substances.

15 types de lampes testés

En ce qui concerne les ampoules économiques, toutes produites à l’étranger, la responsabilité revient aux importateurs. Lors d’un récent contrôle sur le marché, plusieurs services cantonaux ont collaboré avec l’Empa pour vérifier si les exigences étaient respectées. Quinze modèles disponibles dans le commerce ont été analysés avec la nouvelle méthode développée par le laboratoire fédéral. Outre la partie gazeuse, les experts ont aussi mesuré le mercure lié, qui se présente généralement sous forme d’amalgame de mercure, d’étain et de zinc. Celles-ci ont été dissoutes dans de l’acide nitrique concentré à une température de 250 degrés Celsius, puis analysées. Le rapport entre mercure gazeux et solide ne joue aucun rôle au niveau des prescriptions, seule la teneur totale est déterminante. Cette dernière était respectée dans toutes les lampes testées. En revanche, la déclaration obligatoire de la teneur en mercure faisait défaut sur quatre emballages.

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Dernière modification 28.11.2018

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