Utilisation efficace des ressources: Les bons conseils de Reffnet

Reffnet, le réseau suisse pour l’efficacité des ressources soutenu par l’OFEV, conseille les entreprises qui souhaitent réduire leur consommation de ressources et rendre leur production plus efficiente. Bettina Kahlert, consultante chez Reffnet, a mené à bien plusieurs projets dans l’industrie alimentaire. Également responsable Efficacité des ressources chez myclimate, elle estime que le chemin à parcourir est encore long.

Propos recueillis par Mike Sommer

Bettina Kahlert a étudié la biologie à Stuttgart (D). Elle est titulaire d’un doctorat en sciences environnementales de l’EPF de Zurich. Après avoir occupé divers postes de collaboratrice scientifique en Suisse, en Allemagne et en Espagne, elle a notamment été responsable du comité technique de l’Association internationale d’essais de semences (ISTA) et coordinatrice de l’Institute for Environmental Decisions (IED) à l’École polytechnique de Zurich. Elle dirige aujourd’hui le bureau Öko-Kompass à Zurich et l’équipe de consulting en efficacité des ressources de la fondation myclimate. Elle travaille pour Reffnet depuis sa création en 2014. Elle vit à Zurich.
© Flurin Bertschinger | Ex-Press | BAFU

Vous avez conseillé Saropack SA, une entreprise de Rorschach spécialisée dans les emballages sous films. De quoi s’agissait-il exactement ?

Bettina Kahlert: Saropack et myclimate, mon employeur, collaborent depuis des années. L’entreprise avait identifié une demande accrue pour des emballages plus respectueux de l’environnement dans l’industrie alimentaire. Elle disposait déjà d’un produit alternatif moins gourmand en ressources : un film à base de polyéthylène (PE), dont l’impact environnemental est inférieur à celui des films de polychlorure de vinyle (PVC) largement répandus.

La demande est-elle venue des clients de Saropack ?

Oui, notamment des producteurs de fruits, qui se conforment aux cahiers des charges des détaillants, et demandent à Saropack des solutions plus durables pour répondre aux souhaits exprimés par les consommateurs et le commerce de détail.

Quelle aide avez-vous pu leur apporter ?

Un conditionneur de fruits thurgovien utilisait déjà ce nouveau film en PE, en plus du PVC. Non seulement il est plus fin, mais la quantité utilisée est moindre car le produit n’est pas entièrement enveloppé, mais couvert sur une seule face. Nous avons analysé les processus : le fonctionnement dans la pratique, les pertes liées aux produits défectueux, la quantité de matériaux économisée. La consommation d’énergie est légèrement plus importante en raison de la soudure, un élément qui doit être pris en compte dans l’analyse globale.

La solution des films en PE existait donc déjà…

Oui, mais elle était peu répandue et perfectible. En collaboration avec les producteurs, Saropack a optimisé le processus d’emballage et a encore diminué l’épaisseur du film. Mon rôle consistait à vérifier si les résultats escomptés en termes de consommation de matériaux et d’impact environnemental étaient atteints.

Comment avez-vous procédé ?

Un écobilan a été dressé pour l’ensemble du cycle de vie du produit. Comme les conditionneurs et les détaillants sont sensibles à la question des émissions de dioxyde de carbone, l’impact sur le bilan CO2 était prioritaire. Nous avons également analysé les autres facteurs environnementaux et les unités de charges écologiques (UCE). Si l’on tient compte de la production et de l’élimination, les films en PE ont un impact environnemental plus faible que d’autres matériaux comme le PVC.

Quelles améliorations le film en PE permet-il ?

Comparé aux films en PVC conventionnels, le film en PE rétractable permet d’économiser 59 % de matériel d’emballage et de réduire les émissions de CO2 de 69 %. Sur 50 millions d’emballages de ce type par année, cela revient à éviter l’émission d’environ 1000 tonnes de CO2 et à réduire l’impact environnemental total de 17 millions d’UCE.

Comment la société Saropack a-t-elle accueilli ces résultats ?

Elle a été surprise de constater à quel point l’optimisation de la consommation en matériaux avait un impact positif sur l’environnement. Nos analyses conduisent souvent à des résultats inattendus. Prenons l’hydroponie, dans laquelle des salades, par exemple, poussent en milieu artificiel, sans humus ni terre. On pourrait supposer que ce n’est pas naturel et, par conséquent, mauvais pour l’environnement. Cependant, l’analyse d’une culture hydroponique innovante nous a montré que son impact environnemental était bien inférieur à celui des cultures en serres traditionnelles et même en plein champ. La surface nécessaire, la consommation d’eau, de sol et de nutriments sont en effet beaucoup plus faibles. Dans ce cas précis, le bilan CO2 était lui aussi meilleur grâce au chauffage à distance.

Avec des résultats aussi évidents, pourquoi la culture hydroponique ou les films en PE ne se sont-ils pas imposés depuis longtemps ?

Parce qu’ils nécessitent le renouvellement des installations, des machines et des procédés. Ces investissements relativement lourds sont souvent réalisés quand l’infrastructure existante est amortie. Si les consommateurs et les détaillants exigent des produits plus durables, la transition sera évidemment plus rapide.

Dans quelle mesure ces optimisations peuvent-elles s’appliquer à tout le secteur alimentaire ? L’emballage, par exemple, n’est qu’un maillon de la chaîne de production.

Cela dépend beaucoup des aliments. La production de six pommes génère environ 120 grammes de CO2 et leur emballage 20 grammes supplémentaires. L’impact environnemental de l’emballage par rapport au produit final en rayon est donc considérable, ce qui fait que sa réduction améliore sensiblement l’écobilan des pommes. Un kilogramme de veau, en revanche, génère 25 kilogrammes de CO2, voire plus selon son origine.L’emballage ne joue donc ici qu’un rôle mineur.

L’emballage ne joue donc pas forcément un rôle prépondérant dans l’empreinte environnementale d’un produit alimentaire ?

Non, mais c’est un facteur relativement simple à calculer et modifier. Améliorer l’efficacité des ressources d’un restaurant est bien plus complexe. Les denrées alimentaires utilisées sont multiples, changent constamment, et passent par de nombreuses étapes : culture, transformation, commercialisation. Obtenir ne serait-ce que des données environnementales réalistes pour tous ces produits représente un vrai défi.

Par où commencez-vous quand vous conseillez des entreprises de restauration ?

L’optimisation technique est importante, mais il existe d’autres potentiels d’amélioration énormes : où faire ses achats, comment concevoir sa carte, préparer ses aliments ou calculer ses portions. La collecte de données sur les déchets alimentaires est notamment très utile. Un restaurant, par exemple, a passé une semaine à enregistrer les quantités de marchandises achetées, et celles éliminées sous forme de restes et de déchets. En extrapolant le chiffre obtenu sur une année, nous avons été très étonnés de l’ampleur du gaspillage. La sensibilisation est la condition préalable à tout changement de comportement.

Comment inciter les entreprises de restauration à améliorer l’efficacité de leurs ressources et leur impact environnemental ?

L’intérêt de la part des hôtels et des restaurants a beaucoup progressé. Nos conseils peuvent prendre différentes formes. Chez myclimate, nous recevons souvent des demandes de la part d’établissements avec lesquels nous avons déjà travaillé sur la compensation climatique et qui souhaitent trouver d’autres pistes d’amélioration. Les clients de Reffnet bénéficient d’une prestation unique de trois jours de conseil gratuit, ce qui peut encourager une entreprise à se pencher aussi sur l’efficacité des ressources.

Une utilisation plus efficace des ressources est utile à l’environnement, mais aussi souvent intéressante sur le plan financier. Est-ce la motivation des entreprises ?

Les économies directes ne sont pas le seul enjeu. Les entreprises espèrent qu’un positionnement plus durable leur donnera un avantage concurrentiel. Mais une attitude positive – la volonté d’aborder la question de la durabilité – s’avère utile. Les économies d’énergie constituent également une bonne entrée en matière, par exemple si je peux dire : « Vous vous êtes déjà améliorés dans le domaine de l’énergie, maintenant allons encore plus loin, penchons-nous sur les matériaux et sur d’autres aspects. »

L’efficacité énergétique est en effet sur toutes les lèvres, mais pas l’efficacité des ressources. Cela va-t-il changer ?

Nous sommes plus avancés dans le domaine énergétique. Nous avons réussi à sensibiliser la population et à créer des incitations pour favoriser une utilisation économique de l’énergie. Nous devons intensifier nos efforts pour arriver au même résultat sur le plan de l’efficacité des ressources. Pour les entreprises toutefois, les défis sont en général plus conséquents. En effet, les économies de matériaux, leur substitution ou l’introduction de procédés de recyclage peuvent toucher l’ensemble du processus de fabrication et la conception d’un produit. De nombreux facteurs doivent être intégrés dans l’analyse globale afin de pouvoir déterminer avec précision si une mesure aura réellement l’effet souhaité pour l’entreprise et l’environnement.

Des investissements rentables

L’art. 49 al. 3 de la loi sur la protection de l’environnement permet à l’OFEV de promouvoir les technologies qui contribuent à réduire l’impact environnemental. C’est dans ce cadre que l’office finance l’association Reffnet. Selon son site internet reffnet.ch, cette association a pour objectif de « promouvoir une économie efficiente en ressources grâce à des solutions novatrices, sur mesure, mesurables et économiquement viables, et amener par là une contribution importante pour une gestion plus efficiente et durable des ressources ». Les entreprises peuvent se faire conseiller par les experts du réseau, de l’analyse à la mise en œuvre.

Entre 2014 et février 2018 (Reffnet 1.0), 360 entreprises ont réalisé une analyse de potentiel avec le soutien de Reffnet. Il en est résulté 217 plans de mesures qui, dans 173 cas, ont abouti ou aboutiront à des projets de mise en œuvre. Si ceux-ci sont effectivement appliqués, ils nécessiteront environ 75 millions de francs d’investissements, mais permettront de réaliser des économies estimées à 400 millions de francs et une réduction de 550 milliards d’unités de charges écologiques (UCE), soit l’impact environnemental annuel moyen d’une commune suisse d’environ 28 000 habitants.

La deuxième phase, qui durera jusqu’à fin 2022, est soutenue par l’OFEV à hauteur de 2,58 millions de francs. L’amélioration du suivi est un objectif important de Reffnet 2.0. À cette fin, l’association demandera systématiquement aux entreprises si les mesures prévues ont été mises en œuvre après un an.

Selon Ursula Frei, de la section Innovation à l’OFEV, le but est que Reffnet accroisse son indépendance financière et optimise encore davantage l’utilisation des subventions : « Reffnet se concentrera de plus en plus sur les projets d’envergure, dont le potentiel d’impact est plus élevé. » De plus, les entreprises ne bénéficieront plus d’un soutien financier si l’analyse du potentiel n’est pas suivie d’un plan de mesures.

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Dernière modification 04.03.2020

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