Convention de l’ONU sur le mercure: « La Suisse a été une cheville ouvrière des négociations»

Depuis août 2017, un nouvel accord de l’ONU est en vigueur : la Convention de Minamata vise à réduire fortement l’extraction et l’utilisation de mercure, métal lourd hautement toxique, à l’échelle mondiale. Michel Tschirren, de la division Affaires internationales de l’OFEV, explique le rôle joué par la Suisse dans l’adoption de ce texte.

Propos recueillis par Vera Bueller

Quecksilber
Le mercure peut être éliminé sous forme de sulfure de mercure (à droite).
© Lithwork Phoenix GmbH

Quels sont les points essentiels de la Convention de Minamata, entrée en vigueur le 16 août 2017 ?
Michel Tschirren : La convention de l’ONU a pour objectif de protéger la santé et l’environnement contre les émissions et rejets anthropiques de mercure. Elle régit l’ensemble du cycle de vie de cette substance en limitant son extraction aussi bien que son utilisation dans la fabrication de produits et les procédés industriels. Elle réglemente en outre le commerce de mercure, de même que l’entreposage et le traitement des déchets qui en contiennent, et prévoit un mécanisme de surveillance destiné à garantir le respect de ces dispositions.

Les travaux préparatoires ont pris plusieurs années. Quelles ont été les principales difficultés ?
Tous les pays ne sont pas affectés au même titre. De plus, des écarts énormes séparent les différents États et leurs législations nationales. Tandis que la Suisse et d’autres pays et groupes de pays, en particulier la Norvège et l’UE, plaidaient pour une réglementation contraignante, l’Australie, la Chine, l’Inde, le Canada et les États-Unis, par exemple, exigeaient une approche volontaire. Il n’a pas non plus été facile de s’entendre pour définir parmi les États ceux qui devaient apporter leur contribution financière et ceux qui avaient besoin d’un soutien.

Nombre d’accords internationaux portant sur l’environnement ont mis en lumière de profonds conflits d’intérêts entre pays industrialisés, émergents et en développement. Cela a-t-il aussi été le cas de la Convention de Minamata ?
La convention prévoit une participation progressive, dans la mesure où toutes les parties contribuent à la solution en fonction de leurs capacités. Elle évite ainsi l’opposition perpétuelle entre pays industrialisés et pays en développement. Il importe aussi de relever que tous les États ne font certainement pas face aux mêmes défis. Dans certains pays par exemple, l’extraction d’or à l’aide de mercure provoque de graves atteintes à l’environnement et à la santé, alors que d’autres pays sont épargnés puisqu’ils ne possèdent pas de mines d’or.

Comment est-on parvenu à un compromis entre les divers intérêts ?
Des rencontres informelles avec certains acteurs clés ont été nécessaires pour concilier les positions. La Suisse en a organisé plusieurs et a ainsi contribué à faire progresser les négociations. Cette convention est un succès multilatéral : elle a été signée par 94 États et l’UE lors de la conférence organisée en octobre 2013 à Kumamoto/Minamata (Japon). Comme elle contient un grand nombre d’obligations, mais aussi de mesures volontaires, elle constitue sans aucun doute un accord ambitieux.

Quel rôle la Suisse a-t-elle joué exactement ?
En 2003, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) a publié le rapport Évaluation mondiale du mercure, qui décrit les problèmes causés par ce métal sur notre planète. Dans la foulée, la Suisse et la Norvège ont proposé ensemble de préparer un accord contraignant pour les régler. Après cinq sessions successives, les négociations ont abouti en janvier 2013 à Genève. La Suisse a joué un rôle de cheville ouvrière en intervenant au niveau des aspects techniques et politiques du processus et en contribuant aussi à son financement.

La Suisse restreint l’utilisation du mercure depuis 30 ans. Quel intérêt notre pays avait-il à s’engager en première ligne pour étendre de telles restrictions à l’échelon international ?
Une fois libérés dans l’environnement, le mercure et ses composés sont transportés dans l’air ou dans l’eau, parfois sur de très longues distances. Les mesures nationales ne permettent pas de lutter efficacement contre les risques liés à ce métal lourd. L’application de la Convention de Minamata à l’échelle mondiale revêt donc aussi de l’importance pour l’environnement et la santé en Suisse.

À présent que la convention est en vigueur, notre pays doit-il durcir sa législation sur le mercure ?
Pour appliquer ces dispositions au niveau national, la Suisse est en train d’adapter trois ordonnances fédérales et un texte édicté par le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC). La nécessité d’appliquer la convention et de bénéficier de ses effets se fait toutefois surtout sentir dans les pays émergents et en développement, ainsi que dans les États dont les normes environnementales accusent du retard, tant du point de vue économique que technique.

Sous quelle forme utilisons-nous encore du mercure dans notre vie quotidienne ?
Dans certains types d’instruments de mesure, de lampes et de batteries. Il importe surtout d’entreposer et de traiter correctement tous les déchets contenant du mercure, afin de prévenir leur rejet dans l’environnement et leur retour dans le circuit économique.

L’efficacité de toute convention dépend de sa mise en œuvre. Faut-il s’attendre à des problèmes de ce côté-là ?
L’extraction minière artisanale est responsable de la majeure partie des rejets au niveau mondial. Les gouvernements concernés veulent remédier à cette situation et appliquer la convention. Les salariés de ce secteur n’ont cependant pas d’autres emplois en vue. Ils ont besoin de leur revenu et ignorent souvent les effets néfastes du mercure. Je pense que c’est à ce niveau-là que la mise en œuvre se heurtera probablement à des oppositions. Je reste néanmoins optimiste : en Mongolie par exemple, on extrait déjà de l’or sans recourir au mercure. La convention dispose en outre d’un comité d’application et de suivi qui peut s’appuyer sur une procédure stricte pour vérifier le respect des obligations définies. Tous les accords internationaux ne possèdent pas un tel mécanisme.

En présentant sa candidature pour accueillir le secrétariat permanent, la Suisse a manifesté sa volonté de veiller tout spécialement à l’avenir de la convention. Pourquoi ?
Depuis des années, la Suisse est très présente dans la politique internationale de l’environnement, en particulier dans les domaines des produits chimiques et des déchets. À notre avis, la réglementation internationale s’avère efficace lorsque les diverses conventions sont associées pour former un ensemble cohérent. Les principales institutions de ce secteur se trouvent à Genève. L’installation du secrétariat de la Convention sur le mercure dans la cité de Calvin permet d’exploiter au mieux le savoir-faire des experts et d’assurer une bonne mise en œuvre de l’ac-cord. Sans oublier qu’elle renforce la position de la Genève internationale. Une concentration des connaissances spécialisées s’avère en outre ­essentielle pour résoudre d’autres problèmes environnementaux d’envergure mondiale.

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Dernière modification 14.02.2018

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