Espèces exotiques envahissantes: Éviter les mauvaises surprises

23.11.2016 - Le Conseil fédéral a adopté il y a peu une stratégie relative aux espèces exotiques envahissantes. Objectif : éviter que la multiplication de ces plantes et de ces animaux ait des conséquences désastreuses.

Naguère très appréciée, la berce du Caucase, avec ses grandes ombelles, a agrémenté nombre de parcs européens dès 1890. Les apiculteurs l’ont semée jusque vers la fin du XXe siècle, car elle est très mellifère. Aujourd’hui, tout le monde craint cette mauvaise herbe ou, plus précisément, cette espèce exotique envahissante. C’est en effet ainsi que l’on désigne les plantes et les animaux provenant de pays lointains et introduits de manière volontaire ou fortuite chez nous, où ils se multiplient et se propagent. Capables d’évincer la faune et la flore indigènes, ces espèces menacent la biodiversité. De plus, certaines occasionnent des problèmes de santé ou des pertes économiques.

Riesenbärenklau (Heracleum mantegazzianu)
La berce du Caucase (Hercleum mantegazzianum) fait partie des espèces
exotiques envahissantes.
© BAFU

Les fleurs du mal

La berce du Caucase correspond parfaitement à ceprofil : les substances phototoxiques qu’elle contient peuvent provoquer des brûlures douloureuses si elles entrent en contact avec la peau et que celle-ci est ensuite exposée au soleil. De plus, la plante forme parfois des peuplements purs le long des cours d’eau, des routes et des voies de chemin de fer, dans les forêts et sur les surfaces rudérales. L’objectif consiste désormais à se débarrasser de cette espèce végétale introduite intentionnellement. Dans le canton des Grisons, l’office de la nature et de l’environnement (ANU) envoie les civilistes arracher les plantes avec leur racine. Lorsque l’opérations’ avère trop périlleuse, voire impossible (sur des sols rocailleux par exemple), ils se contentent d’éliminer les inflorescences avec les graines. Les grands peuplements sont fauchés, puis contrôlés chaque mois jusqu’aux premières gelées. Au besoin, une nouvelle fauche est effectuée. Toutes les parties de la plante sont brûlées dans une usine  d’incinération des ordures ménagères. Toutes les informations concernant les sites grisons où se trouvent des plantes exotiques envahissantes figurent dans un système d’information géographique(SIG). En 2015, celui-ci recensait 1320 sites anciens ou actuels pour la berce du Caucase. Elle avait déjà été éliminée sur 673 d’entre eux et, depuis 2010, était en recul sur 108 autres.   « Le nombre de sites dont la berce du Caucase a été éliminée prouve qu’une lutte menée sur le long terme permet d’en venir à bout », écritl’office grison dans son rapport de 2015.

Kanadische Goldrute (Solidago canadensis)
Verge d’or du Canada (Solidago canadensis)
© Markus Forte, Ex-Press-BAFU
Japanischer Staudenknöterich (Fallopia japonica)
Renouée du Japon (Fallopia japonica)
© Markus Forte, Ex-Press/BAFU
Drüsiges Springkraut (Impatiens glandulifera)
Balsamine de l’Himalaya (Impatiens glandulifera)
© Markus Forte, Ex-Press/BAFU

Une ribambelle d’espèces envahissantes

En 2006, l’OFEV a recensé 107 espèces exotiques envahissantes problématiques pour l’environnement, soit 51 animaux, 7 champignons, 1 bactérie et 48 plantes. La liste comprend par exemple les écrevisses américaines, qui ont introduit la peste de l’écrevisse en Europe à la fin du XIXe siècle. L’épidémie a décimé l’essentiel des populations indigènes. Le moustique tigre, bien connu commevecteur de la dengue, a déjà élu domicile au Tessin. Le capricorne asiatique, un coléoptère, est un ravageur redouté parles forestiers et la corbicule asiatique, un coquillage, a causé la disparition detoutes les espèces de bivalves indigènes dans le Rhin à la hauteur de Bâle. L’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) considère que la propagation des espèces exotiques envahissantes est « l’une des plus grandes menaces pour le bien-être écologique et économique de la planète ». Les dégâts causés sont estimés à 120 milliards de dollars par an rien qu’aux États-Unis. Dans notre pays, le problème n’est pas aussi grave. « Dans la plupart des cas, la propagation en est à un stade assez précoce, de sorte que des moyens raisonnables suffisent pour mener une lutte efficace », affirme Gian-Reto Walther, à la section Espèces et milieux naturels del’OFEV. Plus l’intervention est rapide, plus les chances sont grandes d’endiguer une dissémination.

Agir sans attendre

Preuve en est le cas de la jussie à grandes fleurs, originaire d’Amérique latine. En 2002, deux biologistes en ont découvert des spécimens dans un étang forestier près de Laconnex (GE). Averties, les autorités ont réagi aussi tôt : toutes les plantes ont été arrachées et incinérées.« Grâce à l’expérience des pays voisins, à l’oeil attentif de deux spécialistes et à la volonté des autorités locales, la propagation a rapidement été contenue »,raconte le spécialiste de l’OFEV. Non loin du lieu où la plante a été identifiée setrouvait à l’époque une jardinerie quila commercialisait. Avec la berce du Caucase, la jussie à grandes fleurs figure désormais parmi onze végétaux dont la multiplication, la vente et la culture sont interdites en Suisse. Depuis quelques années déjà, la présence croissante d’espèces envahissantes incite un grand nombre d’acteurs fédéraux et cantonaux, ainsi que des organismes privés, à intervenir. Toutefois, leurs activités manquaient souvent de coordination et un cadre faisait défaut àl’échelle de la Suisse. Le Conseil fédéral vient de combler cette lacune : suite à un postulat au parlement, il a adopté en mai 2016 la Stratégie relative aux espèces exotiques envahissantes.

Cycle d’action en trois phases

Cette stratégie comprend trois axes – bases scientifiques et légales, préventionet lutte – qui forment entre eux un cycle d’action (voir graphique). La prévention doit empêcher que des espèces envahissantes se retrouvent dans la nature. Qui conque met en circulation une espèce exotique est tenu de prouver qu’elle n’engendre pas de dégâts. Sides problèmes surgissent malgré tout,il importe de déterminer rapidements’il y a invasion. Et si une espèce envahissante s’est déjà bien établie, unelutte systématique s’impose. Un catalogue de mesures énumère aussi bien les activités existantes que les mesures supplémentaires jugées nécessaires, quise répartissent dans quatre domaines : Classification : Une espèce donnée nuit-elle à la santé ? Menace-t-elle la biodiversité? Peut-elle provoquer des dommages économiques ? Existe-t-il des méthodes efficaces pour la combattre ? Après une évaluation scientifique effectuée sur la base de ces questions, l’espèce est classée en fonction de sa capacité invasive. Le degré de danger le plus faible est attribué aux espèces qui ne présentent aucun risque compte tenu de leur capacitéde survie, de leur propagation, de leur multiplication et de leurs interactions possibles avec d’autres espèces. À l’autre extrémité de l’échelle figurent les espèces potentiellement les plus dangereuses,qui constituent une menace pour l’être humain et le patrimoine, et qui peuvent porter une atteinte grave à la diversité biologique. La nécessité d’agir dépend du classement: dans le cas d’espèces inoffensives,une prescription suffit ; pour d’autres, il importe de veiller à ce qu’elles ne colonisent pas des milieux naturels dignes deprotection. Quant aux espèces à risque, il convient de les éradiquer complètement. Si des moyens raisonnables ne le permettent pas, il faut les empêcher dese diffuser dans d’autres régions. Cadre légal : Des adaptations s’imposent au niveau des bases légales. La législation actuelle sur la protection de l’environnement ne réglemente le plus souvent quel’utilisation délibérée d’organismes ou la dissémination active et la détention d’espèces animales et végétales. Or les espèces qui provoquent des dommages sont souvent introduites de manière accidentelle. « Nous envisageons également d’autres instruments, comme l’obligation d’annoncer ou de combattre certain espèces ou l’instauration de contrôle saccrus », explique Gian-Reto Walther. Démarche coordonnée : Les cantons furent les premiers à demander une meilleure coordination nationale afin d’éviter les doublons, les lacunes et le manque d’efficacité. La stratégie répond à ce souhait, puisqu’elle définit la marche à suivre pour toutes les mesures et indique les organes compétents, en se fondant sur les structures existantes. La formulation des directives à l’échelle nationale relèvede la Confédération, tandis que leur exécution incombe aux cantons. Obligations internationales : Une stratégie nationale doit respecter les obligations internationales et donc s’harmoniser avec les activités des pays voisins.

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Les mérites de la prévention

Tout cela a bien sûr un prix : pour financer les mesures applicables immédiatement, la Confédération devra dépenser cinq millions de francs par an à moyen terme, soit autant que les cantons. Le coût des mesures exigeant une adaptation de la législation n’a pas encore été évalué.Cet argent servira à éviter les mauvaises surprises et dès lors des coûts subséquents bien plus importants. Dans une analyse des risques, l’Office fédéral de la protection de la population (OFPP) a estimé, àtitre d’exemple, les coûts d’une dissémination massive du séneçon du Cap. Originaire d’Afrique du Sud, cette plante est toxique pour l’être humain et le bétailde pâturage. En Suisse, elle colonise actuellement les bords de routes, les talus et les jachères. Dans le cadre d’une analyse nationale des dangers, les spécialistes ont étudié les conséquences de son éventuelle propagation sur les surfaces agricoles et les pâturages. Les herbages très atteints seraient inutilisables et des intoxications du bétail ne pourraient être exclues. Lecas échéant, il faudrait contrôler les produits laitiers et carnés, de même que le miel, afin de détecter des résidus de la plante et lancer un coûteux programme de lutte. Dans ces circonstances, la reprise en main de la situation pourrait se chiffrer à un milliard de francs. Avec les mesures qu’elle prévoit, la stratégie relative aux espèces exotiques envahissantes devrait permettre d’éviter qu’untel scénario ne se produise.

Asiatische Körbchenmuschel (Corbicula fluminalis)
Corbicule asiatique (Corbicula fluminalis)
© Erwin Jörg, www.neozoen.ch
Asiatischer Lauholzbockkäfer  (Anoplophora glabripennis)
Capricorne asiatique (Anoplophora glabripennis)
© Markus Forte, Ex-Press/BAFU
Roter Amerikanischer Sumpfkrebs (Procambarus clarkii)
Écrevisse rouge de Louisiane (Procambarus clarkii)
© Erwin Jörg, www.neozoen.ch

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Dernière modification 23.11.2016

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