Bruit ferroviaire: Un mélange de caoutchouc doublement performant

2.9.2020 - Soulagement chez les exploitants ferroviaires : une plaque élastique placée entre les rails et les traversesen béton laisse entrevoir une solution à deux problèmes bien connus. En protégeant le ballast et en atténuantle bruit, elle permet ainsi de réduire les coûts d’entretien, de rallonger les intervalles de maintenance et de ménager les nerfs des riverains.

Texte : Stefan Hartmann

Eisenbahn Lärmmesung
Mesure du bruit des Chemins de fer du Sud-Est (SOB) à Wollerau (SZ)
© Michael Würtenberg | Ex-Press | BAFU

Tout était plus simple avec les bonnes vieilles traverses de chemin de fer en chêne. Élastique, le bois présentait en effet des propriétés isolantes et absorbait mieux les secousses au passage d’un train. De plus, les rails en acier pouvaient être vissés directement dedans. Les exploitants ferroviaires se sont toutefois vus contraints de retirer ces traverses de la circulation il y a environ 25 ans pour des raisons écologiques, l’huile de goudron utilisée pour imprégner le bois étant toxique. Depuis, ils remplacent les traverses en chêne par du béton lors des travaux de maintenance.

ais cette option présente aussi des inconvénients. Les traverses en béton ne sont pas élastiques et deviennent même friables avec le temps sous l’effet des contraintes. Elles transmettent par ailleurs les vibrations au ballast, ce qui l’endommage. L’objectif était donc de concevoir une couche intermédiaire qui amortisse davantage le poids des trains, tout en absorbant mieux le bruit. Les trains de voyageurs sont d’ores et déjà devenus très silencieux grâce à un matériel roulant moderne. Néanmoins, le trafic ferroviaire ne cesse d’augmenter et les wagons de marchandises anciens demeurent très bruyants. La Confédération mise par conséquent sur le développement de nouveaux composants qui réduisent sensiblement le niveau sonore.

Roues et rails au cœur du problème

Le bruit des trains provient de plusieurs sources cumulées. Jusqu’à une vitesse d’environ 60 kilomètres à l’heure, les bruits de propulsion des locomotives et des motrices sont les principaux responsables. À des vitesses supérieures, ils sont remplacés par des bruits de roulement. « Le contact des roues métalliques avec les rails fait vibrer tous les composants du système en raison de microrugosités de surface », explique Franz Kuster, de la section Bruit ferroviaire de l’OFEV. « Tout bouge : les roues, les rails, les traverses, et même le ballast. » Chacun de ces composants émet des vibrations sous forme de bruit aérien dans des tonalités et des directions différentes, qui s’ajoutent au bruit de roulement. « Les émissions sonores des roues et des rails sont déterminantes, car leur tonalité est particulièrement désagréable à l’oreille humaine », complète l’expert de l’OFEV. L’atténuation du bruit ferroviaire passe donc par une réduction des vibrations des divers composants au moyen de mesures appropriées.

Couches intermédiaires déterminantes

Sans infrastructure absorbante, les traverses en béton seraient très rapidement détruites par les vibrations intenses des trains. C’est pourquoi actuellement une plaque élastique est toujours installée entre les rails et les traverses, contrairement à l’époque des traverses en bois. En général, le réseau ferroviaire suisse est équipé de couches intermédiaires dures en matériau composite, qui présentent de nombreux avantages d’un point de vue acoustique, puisque les vibrations sont directement transmises dans le sol, amortissant ainsi le bruit. Revers de la médaille : elles transmettent trop de secousses aux traverses et au ballast, ce qui fragilise à la fois la superstructure et l’infrastructure de la voie. Un phénomène problématique au vu du coût élevé de l’entretien des voies, que les CFF estiment à près de 2300 francs par mètre de rail en cas de réfection complète du ballast.

Depuis quelques années, les tronçons de voies reposant sur des sols très durs comme la roche ou le béton armé, caractéristiques par exemple des lignes de montagne, des tunnels ou des ponts, sont équipés de couches intermédiaires souples en caoutchouc. Elles absorbent mieux les forces considérables exercées par les trains, tout en préservant le ballast. Mais, si cet amortissement accru des vibrations prolonge la durée de vie des traverses en béton et du ballast, il n’a pas de véritable impact au niveau des rails. Au bout du compte, le bruit de roulement affiche donc près de 3 décibels (dB) de plus en comparaison d’une superstructure comportant des couches intermédiaires dures.

Betonschwelle
La nouvelle couche intermédiaire élastique préserve les traverses en béton et le ballast, tout en réduisant les nuisances sonores liées aux rails.
© Michael Würtenberg | Ex-Press | BAFU

Absorber et amortir

Une nouvelle couche intermédiaire élastique, développée dans le cadre d’un projet de recherche financé par l’OFEV, devrait combiner les deux propriétés : préserver les traverses en béton et le ballast, tout en réduisant les nuisances sonores liées au rails. L’objectif était de trouver un mélange de caoutchouc qui puisse à la fois absorber et amortir. À l’issue de tests concluants effectués en laboratoire à différentes températures, ce nouveau matériau a fait l’objet, en automne 2019, d’un essai sur un tronçon de 300 mètres des Chemins de fer du Sud-Est (SOB), à Wollerau (SZ).

C’est l’entreprise d’ingénierie ferroviaire PROSE, à Winterthour (ZH), qui a conçu cette plaque élastique innovante, en collaboration avec le fabricant de caoutchouc BATEGU. Le mélange retenu se compose en grande partie de caoutchouc naturel et de particules de suie. « Cette couche intermédiaire réunit les propriétés dynamiques escomptées », explique Christian Czolbe, ingénieur en acoustique chez PROSE. « Elle parvient à absorber jusqu’à 30 hertz sur le plan des basses fréquences et à amortir entre 400 et 2000 hertz au niveau des hautes fréquences, particulièrement pertinentes ici. » Les analyses des mesures réalisées sur le tronçon expérimental des SOB à Wollerau ont ainsi révélé une réduction significative du bruit jusqu’à 3 décibels par rapport aux couches intermédiaires employées jusqu’ici.

Tests sur une ligne du BLS

D’autres tests ont été réalisés en mars 2020 sur un tronçon de la ligne du Berne-Lötschberg-Simplon (BLS) entre Chiètres (FR) et Monsmier (BE). Ce tronçon est doté du profil de rail UIC60, tandis que celui des SOB utilise le profil UIC54, plus petit. Les deux profils ferroviaires les plus répandus en Europe ont par conséquent pu être testés. Selon le BLS et son domaine spécialisé Voie ferrée, les propriétés du nouveau matériau s’avèrent « très prometteuses ». Nul doute qu’il est dans l’intérêt de cet exploitant de perfectionner des systèmes et des composants qui permettront de réduire encore davantage les coûts du cycle de vie ainsi que le bruit des installations actuelles.

La Suisse, pionnière en Europe

La Confédération va consacrer près de 1,5 milliard de francs à l’assainissement phonique des chemins de fer suisses d’ici 2025. Une interdiction de circulation dès 2020 des wagons de marchandises bruyants suisses et étrangers, des modifications sur la structure des voies ainsi qu’une promotion de la recherche et des investissements devraient permettre de protéger encore plus efficacement la population des nuisances sonores ferroviaires d’ici là. Objectif : protéger 80 % des riverains contre ces bruits nocifs ou incommodants. Les mesures de lutte contre le bruit ferroviaire adoptées jusqu’à présent font de la Suisse un pays pionnier en Europe :

Les wagons silencieux dotés de freins à disques sont devenus la norme dans le trafic des voyageurs.

Les freins à sabots en fonte grise des wagons de marchandises suisses, très bruyants, ont été remplacés systématiquement par des semelles en matériau composite.

Des parois antibruit ont été posées le long de tronçons très fréquentés, et des fenêtres antibruit, si nécessaires, ont été installées sur les bâtiments.

Le nouveau système différencié des prix du sillon avec bonus incite les sociétés de chemin de fer à utiliser du matériel roulant silencieux. Le prix du sillon définit le montant dont elles doivent s’acquitter pour utiliser l’infrastructure ferroviaire en Suisse.

 

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Dernière modification 02.09.2020

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