Poursuites pénales: Les fins limiers de la police cantonale de Berne

La police cantonale bernoise est bien armée pour élucider les infractions environnementales et poursuivre leurs auteurs. Mais les structures fédérales de la Suisse compliquent la lutte contre le crime organisé.

Texte: Lukas Denzler

Polizei
Das Tätigkeitsfeld der Umweltpolizisten ist breit. Die Entnahme von Wasser- und Bodenproben gehört ebenso dazu wie eine präzise Dokumentation der Vorkommnisse.
© Flurin Bertschinger/Ex-Press/BAFU

Le champ d’activité des policiers de l’environnement est très vaste. Les prélèvements d’échantillons d’eau ou de sol en font partie, tout comme le rapport précis des faits.

Des pneus jetés en forêt, Markus Stauffer en a vu souvent. Mais qu’est-ce qui se cache derrière ce phénomène ? Au printemps 2017, le directeur du service spécialisé dans la criminalité environnementale de la police cantonale bernoise a décidé d’engager des investigations. Une première enquête auprès des garagistes a apporté un peu de lumière sur cette affaire. Les pneus usés doivent être remis à des  distributeurs titulaires d’une autorisation de l’Office cantonal des eaux et des déchets. Or, dans la pratique, les garagistes exigent rarement cette pièce justificative.

Des acheteurs douteux en profitent. Ils revendent à bon prix à l’étranger les pneus présentant un profil suffisant, et se débarrassent des autres dans la nature, évitant ainsi de payer les frais d’élimination dans une usine d’incinération. Les investigations menées pendant trois ans ont permis de dénoncer une cinquantaine de revendeurs et de garagistes. Les cas sont actuellement traités par le Ministère public. Martina Rivola, responsable du domaine de l’environnement à la police cantonale et supérieure hiérarchique de Markus Stauffer, est satisfaite: «Avant cette opération, les garagistes n’avaient jamais été contrôlés. À présent, ils savent qu’ils sont aussi responsables de l’élimination correcte des pneus usagés.»

En quête de preuves microscopiques

Créé en 1986, le service Criminalité contre l’environnement comprend quatre policiers. «Un enquêteur qualifié a besoin de plusieurs années pour être pleinement opérationnel», souligne Markus Stauffer. Leur activité, très variée, va du prélèvement d’échantillons d’eau et de sol à la documentation des faits. Pour obtenir, à partir de traces microscopiques, des preuves utilisables devant les tribunaux, ils collaborent avec d’autres services, comme les pompiers, le laboratoire cantonal, le Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (empa) ou l’institut Paul Scherrer. Des connaissances juridiques sont indispensables. Les infractions sont définies dans de nombreuses lois fédérales, auxquelles s’ajoutent des lois cantonales, des ordonnances, des instructions, des directives et des règlements communaux. Les polices cantonales ne disposent pas toutes de spécialistes de la criminalité environnementale. «Nous sommes des pionniers en Suisse», estime Martina Rivola. Les enquêteurs bernois peuvent aussi solliciter des conseillers internes.

Au nombre de 32, ces collaborateurs de la police régionale connaissent bien le terrain et approfondissent leurs connaissances par des formations continues. «Ensemble, nous pouvons mener à bien notre mission», affirme Markus Stauffer. Environ 2300 infractions potentielles sont signalées chaque année à la police cantonale, et la tendance est à la hausse.

Altreifen im Wald deponiert
Les enquêteurs de la police cantonale bernoise sont souvent confrontés à des pneus jetés illégalement dans la forêt.
© Kantonspolizei Bern

Des infractions qui varient selon la saison

Les cas ne sont pas toujours aussi graves que le trafic des pneus usagés. Le quotidien de la police de l’environnement varie selon les saisons. Aux feux couvants dans les jardins et en forêt qui embrument le paysage en automne succèdent en hiver les épandages de lisier sur les champs enneigés. Au printemps, les accidents dus à l’usage négligeant de produits chimiques se multiplient dans les piscines publiques et privées. Enfin, selon Markus Stauffer, «l’été est la période du bruit et des déchets sauvages». Quant aux dépôts illégaux et à la pollution des eaux, ils ne connaissent pas de saison.

Qu’il s’agisse de sacs à ordures jetés dans la nature ou d’exportation illégale de déchets électroniques à grande échelle, les infractions environnementales sont poursuivies d’office. Markus Stauffer le souligne: «Si la police remarque quelque chose, elle intervient toujours.» Les moyens engagés sont parfois considérables. Par exemple, des automobilistes avaient constaté des dégâts de peinture sur leurs véhicules dans un parking. L’équipe de Markus Stauffer a établi qu’ils avaient été causés par de fines particules. Après avoir écarté une première piste (poussière de freinage des trains) sur la base d’analyses de laboratoire, elle a contrôlé les entreprises des environs. L’enquête l’a menée à un atelier utilisant la technique du sablage. En raison d’un filtre défectueux, des résidus d’abrasifs avaient été rejetés à l’extérieur sans que personne ne s’en rende compte. La police cantonale a porté plainte, et des investigations sont en cours pour déterminer si l’entreprise a violé son devoir de diligence.

Tirer tous à la même corde

Martina Rivola salue le travail de ses enquêteurs, mais déplore des lacunes au niveau des poursuites pénales: «Notre fédéralisme complique la lutte contre la criminalité organisée. Souvent, nous ne voyons que le cas isolé, le contexte plus large reste occulté.» Par exemple, quand les douanes portuaires de Rotterdam découvrent plusieurs conteneurs de déchets électroniques faussement déclarés, elles les renvoient aux expéditeurs en Suisse. Si ces derniers se trouvent dans différents cantons, chaque autorité cantonale ne s’occupe que de «son» conteneur.

Les cas de d’éco-criminalité organisée sont difficiles à identifier, souligne Martina Rivola. Aussi placet-elle beaucoup d’espoir dans la future National Environmental Security Task Force. Ce groupe de travail fera le lien entre les autorités nationales et cantonales compétentes et facilitera leur collaboration. «Notre lutte contre la criminalité organisée et internationale gagnera ainsi en efficacité et en réactivité.»

Parer à la majorité des situations

Raphaël Jallard, directeur du Centre interrégional de formation de police des cantons de Fribourg, Neuchâtel et Jura, fait le point sur l’enseignement relatif à la criminalité environnementale.

Propos recueillies par Mike Sommer

Monsieur Jallard, en quoi consiste concrètement l’enseignement en matière de criminalité environnementale?
Raphaël Jallard : La formation comprend quelques heures de théorie avec les responsables des services cantonaux de l’environnement. L’accent est mis sur les infractions les plus récurrentes et surtout sur les mesures d’urgence pour sauvegarder les traces, comme des photos ou le prélèvement d’échantillons en cas de pollution des eaux.

La formation se fait donc avec le soutien de spécialistes externes?
Oui, nous les sollicitons selon les besoins. Dans leur activité quotidienne, les polices travaillent directement avec les services spécialisés, principalement le service de la protection de l’environnement, voire le chimiste cantonal. Si nécessaire, elles peuvent mandater des experts externes. Le but de notre formation est de connaître les différents services partenaires et de savoir quand y faire appel.

Serait-il souhaitable d’intensifier l’enseignement lié à la criminalité environnementale dans la formation de la police?
Pour l’heure, il s’agit d’un domaine particulier dans lequel les policiers des cantons concernés ne sont qu’occasionnellement impliqués. Notre formation de base leur permet de faire face à la majorité des situations. Si le contexte devait changer, nos formations seraient réévaluées et adaptées en conséquence.

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Dernière modification 10.04.2018

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