Les concentrations des éléments traces dans les eaux souterraines sont généralement faibles et correspondent essentiellement aux valeurs naturelles. Les concentrations les plus élevées d’arsenic et d’uranium sont mesurées dans les aquifères en roches cristallines. Quant aux concentrations de bore, de brome, de cadmium, de cuivre, de plomb et de zinc, elles sont légèrement accrues avant tout dans les aquifères poreux dans les roches meubles sous les régions urbanisées et agricoles.
Les éléments traces sont des éléments chimiques naturellement présents dans la croûte terrestre à de très faibles concentrations. Ils parviennent dans les eaux souterraines essentiellement en raison de l’altération des roches. Leurs concentrations dans les eaux souterraines sont généralement de l’ordre du nanogramme par litre (ng/l) ou du microgramme par litre (µg/l).
L’ordonnance sur la protection des eaux (OEaux) ne contient aucune valeur limite pour les éléments traces dans les eaux souterraines. En vertu de l’OEaux, les eaux souterraines utilisées comme eau potable ou destinées à l’être doivent être de telle qualité qu’après un procédé de traitement simple, elles respectent les exigences de la législation sur les denrées alimentaires. C’est pourquoi les valeurs maximales de l’ordonnance du DFI sur l’eau potable et l’eau des installations de baignade et de douche accessibles au public (OPBD) s’appliquent également aux eaux souterraines au titre de valeurs limites, pour autant que l’OEaux n’en prévoie pas. L’OPBD prescrit des valeurs maximales pour plusieurs éléments traces tels que l’antimoine, l’arsenic, le bore, le cadmium, le chrome, le cuivre, le nickel, le plomb, le sélénium, l’uranium et le zinc. Elle définit également des valeurs maximales pour l’aluminium, le fer et le manganèse. Ces dernières sont, d’une part, liées au traitement de l’eau, en l’occurrence la filtration au moyen de floculants à base de sels d’aluminium et de fer, qui constitue une méthode reconnue. D’autre part, il n’est pas souhaitable que les captages d’eau potable enregistrent des concentrations accrues de fer et de manganèse, car ces dernières peuvent causer des problèmes techniques aux installations et aux conduites et également altérer le goût de l’eau potable.
Par ailleurs, les « Instructions pratiques pour la protection des eaux souterraines » (ci-après Instructions pratiques) énumèrent, pour certains éléments traces, des valeurs indicatives dont le dépassement pourrait signaler une pollution problématique d’origine anthropique. Sont réservées les valeurs accrues dues aux conditions naturelles (géogènes). Pour les métaux lourds, ces valeurs indicatives sont identiques aux valeurs limites correspondantes dans l’OEaux pour la fraction dissoute dans les eaux de surface.
Lors d’une étude pilote réalisée en 2018 dans le cadre de l’Observation nationale des eaux souterraines (NAQUA), des échantillons ont été prélevés à l’ensemble des quelque 550 stations de mesure afin d’analyser la présence de plus de 20 éléments traces. Les concentrations indiquées se rapportent à des échantillons non filtrés, c’est-à-dire qu’elles correspondent à la concentration totale des éléments dans les eaux souterraines, indépendamment du fait que les substances étaient présentes dans les échantillons sous forme dissoute ou non dissoute (liées à des particules).
Dans l’ensemble, les valeurs maximales de l’OPBD pour l’eau potable sont dépassées à de rares endroits – pour le fer à 12 stations de mesure (2 %), pour l’aluminium à 5 stations de mesure (1 %), pour le manganèse et l’arsenic à 2 stations de mesure chacune, et pour le nickel et le sélénium à une station de mesure chacune.
Les concentrations de zinc et de cuivre sont supérieures à la valeur indicative des Instructions pratiques dans respectivement près de 30 % et 20 % des stations de mesure NAQUA. Les concentrations dépassent les valeurs indicatives respectives pour le cadmium à plus de 5 % des stations de mesure, pour le brome, le chrome et le plomb à plus de 4 % des stations de mesure, pour le bore à 3 % des stations de mesure ainsi que pour l’arsenic et le nickel à 1 % des stations de mesure.
Si les concentrations accrues d’aluminium, d’arsenic, de chrome, de fer, de manganèse, de sélénium et de nickel dans les eaux souterraines sont essentiellement d’origine naturelle (géogène), celles de bore, de brome, de cadmium, de cuivre, de plomb et de zinc sont d’origine tant naturelle qu’anthropique. Pour ces derniers, la valeur de fond naturelle n’a pas pu être déterminée sur la base du jeu de données de l’étude pilote, car la part anthropique mesurée à la plupart des stations de mesure situées dans des aquifères en roches meubles du Plateau était déjà trop élevée pour être distinguée de la valeur de fond naturelle au moyen des méthodes statistiques disponibles (Verweis auf Studie Uni Bern).
Les concentrations de bore et de cadmium sont légèrement accrues dans les ressources d’eau souterraine situées respectivement sous les zones urbanisées et sous les grandes cultures. Celles de brome, de cuivre, de plomb et de zinc dans les eaux souterraines sont légèrement accrues sous les zones tant habitées qu’agricoles.
Les apports d’engrais (bore, cadmium, cuivre, zinc) et de pesticides (cuivre) provenant de l’agriculture, les émissions dues à l’industrie et à l’incinération des déchets (brome, cadmium), l’écoulement de l’eau des précipitations sur les toits, les façades et le long des routes (plomb, cuivre, zinc) ainsi que les apports via les eaux usées domestiques (bore) sont considérés comme des sources anthropiques.
Par ailleurs, il n’est pas exclu que les résultats d’analyse concernant le zinc, le cuivre, le fer ou le plomb soient faussés en raison de la présence, dans les stations de mesure, d’installations galvanisées en fer ou en acier ainsi que d’éléments de conduite contenant du cuivre ou du plomb.
Dans l’ensemble, les concentrations d’arsenic mesurées sont faibles et, sur le Plateau et dans les Préalpes, majoritairement inférieures à 1 µg/l. Des concentrations localement accrues, supérieures à 5 µg/l, sont enregistrées presque exclusivement dans les aquifères fissurés en roches cristallines des Alpes et du sud des Alpes. Elles sont dues à des gisements minéraux naturels et à des roches cristallines à la teneur accrue en arsenic.
La valeur maximale de 10 µg/l fixée dans l’OPBD pour l’eau potable est dépassée dans une station de mesure du canton du Valais et à une station de mesure du canton des Grisons. Ces concentrations accrues sont dues à des sources géogènes dans des roches cristallines.
Les concentrations de chrome sont généralement faibles et inférieures à 2 µg/l. Les valeurs maximales de 50 µg/l pour le chrome et de 20 µg/l pour le chrome (VI), fixées dans l’OPBD pour l’eau potable, ne sont dépassées à aucune station de mesure.
Les concentrations supérieures à la valeur indicative de 2 µg/l sont avant tout enregistrées dans l’ouest du Plateau, entre Lausanne et Berne. Elles sont dues au chrome présent à l’état naturel dans la molasse de Suisse occidentale. Les dépassements isolés des valeurs indicatives dans les régions de Bâle et de Zurich ont probablement des causes anthropiques. Le chrome peut parvenir dans les eaux souterraines à partir, par exemple, de sites de décharge pollués ou de canalisations non étanches.
Dans les eaux souterraines, le chrome n’est soluble pratiquement qu’à l’état oxydé hexavalent. À l’exception de quelques concentrations accrues en raison du chrome lié à des particules, comme cela peut se produire, par exemple, dans les aquifères karstiques, on part donc du principe que les concentrations mesurées concernent essentiellement le chrome (VI).
Les concentrations d’uranium sont généralement faibles et inférieures à 3 µg/l. La valeur maximale de 30 µg/l fixée dans l’OPBD pour l’eau potable n’est dépassée dans aucune station de mesure. Sur le Plateau, elles ont tendance à être plus élevées que dans le Jura ou les Préalpes. Les données ne permettent pas de déterminer clairement si ces concentrations accrues sont dues à l’utilisation d’engrais phosphatés contenant de l’uranium ou à la dissolution, du fait de l’exploitation agricole intensive, de l’uranium présent à l’état naturel dans le sol.
L’uranium est naturellement présent en concentrations accrues dans les aquifères fissurés en roches cristallines ainsi que dans les aquifères poreux en roches meubles de la partie supérieure de la vallée du Rhône.
Les concentrations de plomb sont généralement faibles et inférieures à 1 µg/l. La valeur maximale de 10 µg/l fixée dans l’OPBD pour l’eau potable n’est dépassée dans aucune station de mesure. Les concentrations supérieures à la valeur indicative de 1 µg/l sont enregistrées avant tout dans les stations de mesure situées dans les aquifères karstiques du Jura ainsi que dans les aquifères en roches meubles du Plateau.
Dans la nature, le plomb se présente généralement sous la forme de composés de sulfure, de sulfate et de carbonate. Il faut également tenir compte du fait que la matière organique, les hydroxydes de fer et de manganèse ainsi que les minéraux argileux s’enrichissent en plomb.
Les apports anthropiques de plomb dans les eaux souterraines proviennent avant tout de l’écoulement de l’eau des précipitations sur les toits, les façades et le long des routes (abrasion de la chaussée, émissions stockées dans les sols dues à l’utilisation, jusqu’en 2000, d’essence au plomb, anciennes peintures antirouille) ainsi que des munitions contenant du plomb utilisées sur les places de tir.
Dans le cas du plomb également, on ne peut pas exclure que certaines valeurs soient faussées en raison de la présence, dans les stations de mesure, d’armatures en laiton (alliage de cuivre, de zinc et d’une faible proportion de plomb).
Les concentrations de cadmium sont inférieures à la limite de quantification de 0,01 µg/l dans 80 % des stations de mesure. La valeur maximale de 3 µg/l fixée dans l’OPBD pour l’eau potable n’est dépassée dans aucune station de mesure. Les stations de mesure présentant des concentrations supérieures à la valeur indicative des Instructions pratiques se situent principalement dans l’est du Jura et du Plateau. Quelques concentrations accrues sont enregistrées aux stations de mesure des Préalpes, des Alpes et du sud des Alpes. Plus de 35 % des stations de mesure qui enregistrent des concentrations supérieures à la valeur indicative des Instructions pratiques se trouvent dans un bassin versant dominé par les grandes cultures.
Le cadmium n’est présent qu’en très faibles concentrations dans la plupart des roches. On le trouve dans les calcaires oolithiques du Jura ainsi que dans certains minéraux, généralement en combinaison avec du soufre.
La combustion de combustibles fossiles, l’incinération d’ordures ménagères ainsi que l’épandage d’engrais phosphatés contenant du cadmium sont les principales sources anthropiques de cet élément.
À l’échelle nationale, les concentrations de cuivre sont plus élevées dans le Jura et sur le Plateau que dans les Préalpes et les Alpes où, à quelques exceptions près, elles sont inférieures à 2 µg/l. La valeur maximale de 1000 µg/l fixée dans l’OPBD pour l’eau potable n’est dépassée dans aucune station de mesure.
Les stations de mesure qui enregistrent des concentrations supérieures à la valeur indicative de 2 µg/l figurant dans les Instructions pratiques se situent principalement dans l’est du Plateau ainsi que dans les aquifères karstiques du Jura. Quelques concentrations supérieures à 2 µg/l sont également mesurées dans les roches cristallines des Alpes grisonnes et tessinoises. Les stations de mesure situées dans les zones urbanisées et agricoles, y compris les herbages faisant l’objet d’une exploitation intensive, affichent des concentrations plus élevées que les autres stations de mesure.
Les apports anthropiques de cuivre dans les eaux souterraines sont dus essentiellement à l’écoulement de l’eau des précipitations sur les toits et les façades ainsi qu’à l’abrasion le long des voies ferrées (lignes de contact) et des routes. Dans l’agriculture, le cuivre est employé comme pesticide et comme additif alimentaire et peut être présent dans les engrais de ferme et les engrais minéraux.
Dans le cas du cuivre également, on ne peut pas exclure que les valeurs soient faussées en raison de la présence, dans les stations de mesure, d’éléments de conduites contenant du cuivre.