Sten Smola ajuste sa pratique sportive pour la rendre plus durable, grâce à l’utilisation des transports en commun et l’ascension des sommets à pied. Il fonde l’organisation Ride Greener pour encourager un rapport respecteux envers la nature dans l’activité sportive.
Passionné de montagne depuis mes premières descentes à ski aux Prés-d’Orvin, j’ai longtemps parcouru le monde à la recherche des plus beaux pics à dévaler et des meilleures poudreuses. Je me suis toutefois vite rendu compte que ma pratique du snowboard et du freeride impliquait une ambivalence : les moyens de transport que j’utilisais pour me rendre dans la nature nuisaient à son équilibre. En 2009, j’ai ainsi cofondé l’organisation à visée éducative Ride Greener dans le but de développer des comportements sportifs respectueux de l’environnement. C’est également dans cette optique que j’ai réalisé, quatre ans plus tard, le premier film documentaire climatiquement neutre, « Steps ». Le tournage n’a nécessité aucun hélicoptère et s’est déroulé exclusivement dans les Alpes suisses et françaises. L’idée consistait à encourager le public à réfléchir à l’impact climatique de certaines habitudes et de lui montrer qu’il est possible de profiter pleinement de la montagne, tout en réduisant un maximum son empreinte carbone grâce à des virées moins fréquentes, mais d’une durée plus longue, par exemple.
À partir de 2009, j’ai décidé d’utiliser uniquement les transports en commun pour me rendre en station et de gravir les sommets enneigés exclusivement à pied, avec ma planche de surf sur le dos. Renoncer à la facilité et à la rapidité garanties par un voyage en hélicoptère m’a permis de vivre ces ascensions – qui duraient parfois plus de quatre heures – de manière d’autant plus intense. Cette lenteur remettait aussi en perspective la place que j’occupe véritablement au sein de notre écosystème, beaucoup plus humble que certains de nos comportements laissent parfois à penser. Une fois arrivé au sommet, une sensation de liberté absolue m’envahissait. C’est un moment difficile à décrire : loin du stress et du rythme effréné de la civilisation, tout est calme, et le temps semble figé. Mon accident vasculaire cérébral survenu en 2015 m’a fait prendre conscience du privilège d’un tel rapport à la nature. Perdre la possibilité de m’aventurer si profondément en montagne m’a permis de comprendre l’importance de ces expéditions pour mon équilibre. Aujourd’hui, je continue de faire du sport et pratique notamment le VTT, mais ce n’est plus pareil.
Ces nombreux moments passés en montagne m’ont aussi parfois confronté directement à la puissance et à la dangerosité de la nature. Je n’ai jamais été pris dans une avalanche, mais je me suis retrouvé un jour à glisser très rapidement à la surface de la neige. Dans de telles situations, l’être humain se retrouve totalement impuissant. Ces expériences font partie intégrante de ce sport et nous mettent face à la fragilité de notre existence. La limite entre la vie et la mort devient alors palpable. Cette inversion de perspective, qui nous rappelle que la nature est la seule à décider et qu’il s’agirait pour nous de la respecter plutôt que de l’exploiter, constitue pour moi la meilleure manière d’appréhender les enjeux climatiques auxquels nous sommes en train de faire face actuellement.
Dans chaque numéro de L’environnement, une personnalité s’exprime sur son rapport à la nature. Les propos de Sten Smola ont été recueillis et sélectionnés par Carole Berset.
Dernière modification 15.03.2023