Protéger et conserver la biodiversité – De nombreux défis, mais aussi de belles réussites

22.05.2023 – L’état de la biodiversité en Suisse n’est pas satisfaisant : un tiers des espèces et près de la moitié des milieux sont en danger. En conséquence, des services indispensables tels que la pollinisation des arbres fruitiers ou le stockage du CO2 le sont aussi. Pour inverser la tendance, nous devons œuvrer ensemble en faveur de la biodiversité. Les mesures de maintien et de développement déjà déployées prouvent que le jeu en vaut la chandelle.

Leichte Nebelschwaden über den Palüds dal Lai Nair_Foto André Stummer  KEYSTONE
Légère brume au-dessus des Palüds dal Lai Nair.
© André Stummer | KEYSTONE

Comme le montre une enquête réalisée par l’institut de recherche Sotomo en été 2022 , les Suisses affectionnent tout particulièrement la nature. À la question « Pour vous, que signifie la richesse ? », 62 % d’entre eux ont répondu disposer d’une nature intacte, et non pas pouvoir voyager ou posséder suffisamment d’argent pour s’acheter de belles choses. Or une nature intacte et diversifiée n’est de loin pas un luxe auquel on peut renoncer : elle est le fondement même de notre existence. Les plantes, les animaux, les champignons et les microorganismes aident à réguler le climat, purifient l’air et l’eau, sont bénéfiques pour notre santé et contribuent considérablement à garantir la sécurité alimentaire.

Une biodiversité riche constitue en outre la meilleure garantie pour maintenir une qualité suffisante de ces services. Par exemple, l’efficacité de la pollinisation des arbres fruitiers dépend du nombre d’abeilles sauvages qui y participent. En effet, les diverses espèces butinent à des moments et dans des conditions météorologiques différentes, et ont leurs fleurs de prédilection ainsi que leurs propres techniques de collecte du pollen.


Les espèces animales et végétales toujours sous pression

Le rapport sur l’état et l’évolution de la biodiversité en Suisse (Office fédéral de l’environnement [OFEV], 2023) ainsi que la synthèse des listes rouges (OFEV, 2023) montrent que la qualité et la mise en réseaux de nombreux milieux ne suffisent pas à conserver la biodiversité de notre pays à long terme. En Suisse, près de la moitié des 167 milieux évalués (p. ex. suintements, hauts-marais ouverts, molinaies) et 35 % des quelque 11 000 espèces d’animaux, de plantes et de champignons évalués sont considérés comme menacés ou ont disparu. 

Etat des milieux
En Suisse, 48 % des habitats de grande valeur écologique sont menacés. Il s'agit par exemple de marais, de forêts ou de prairies dites "sèches", riches en biodiversité.
© OFEV

Il existe dans ce contexte un lien étroit entre qualité des milieux et mise en danger des espèces. En effet, la plupart des espèces animales, végétales et fongiques menacées sont tributaires de conditions spécifiques et peinent à s’établir dans un autre milieu. Si la qualité de leur habitat s’amenuise et que celui-ci n’est pas connecté à d’autres milieux viables, elles risquent de disparaître.

Staut des espèces
En Suisse, 35 % des espèces animales et végétales sont menacées ou éteinte. Il s'agit notamment de certains types d'oiseaux (comme le vanneau huppé), d'amphibiens ou de plantes (bleuet foncé).
© OFEV

Le Plateau sous la loupe

En comparaison des autres régions de Suisse, c’est le Plateau qui abrite le plus grand nombre d’espèces et de milieux menacés. Il souffre d’un manque de structures (p. ex. haies, allées d’arbres, plans d’eau, ruisseaux ouverts) et de milieux variés. Les réseaux routier et ferroviaire, de même que l’espace urbanisé, morcellent les milieux et bloquent les voies de déplacement des animaux sauvages. Si les pertes de milieux et d’espèces ont eu lieu en grande partie au début du 20e siècle, la qualité ne cesse quant à elle de diminuer. Dans les surfaces herbagères, les apports élevés de nutriments favorisent les espèces généralistes (espèces passe-partout) et entraînent le déclin des espèces spécialisées.

D’après les programmes de monitoring fédéraux, les biocénoses de plantes et de papillons diurnes dans les surfaces herbagères du Plateau se ressemblent toujours plus, et la diversité des espèces et des milieux y est nettement plus faible que dans les régions de montagne, bien que les conditions naturelles y soient meilleures. Les biocénoses dites monotones, comme les prairies, sont non seulement moins belles, mais aussi souvent moins résistantes aux changements.

Les forêts y sont elles aussi plus éloignées de leur état naturel qu’à plus haute altitude : au lieu de forêts de feuillus, le Plateau est recouvert de peuplements d’épicéas, étrangers à la station, qui ont été plantés ces derniers siècles. Ils recèlent une moins grande diversité d’espèces que les peuplements adaptés au site. En outre, ils souffrent de la chaleur croissante, ce qui les rend également plus vulnérables aux parasites (p. ex. bostryche).

Die Grande Caricaie und das Ufer des Neuenburgersees fotografiert aus Cheseaux-Noréaz, Kanton Waadt_Foto Laurent Gillieron KEYSTONE
La Grande Caricaie et les rives du lac de Neuchâtel photographiées depuis Cheseaux-Noréaz, canton de Vaud.
© Laurent Gillieron | KEYSTONE

Revitalisations et surfaces de promotion de la biodiversité, des mesures permettant d’améliorer la situation

Mais il n’y a heureusement pas que du négatif. Ces dix dernières années, plus de 400 projets de revitalisation ont été réalisés sur le Plateau, et ce tant dans des zones agricoles qu’en milieu urbanisé. Des eaux proches de l’état naturel sont impératives pour le maintien de la biodiversité. En effet, près de 80 % des espèces végétales et animales connues en Suisse sont présentes dans des eaux ainsi que dans les milieux riverains et alluviaux à proximité immédiate de celles-ci. Les cours d’eau aux rives proches de l’état naturel revêtent donc une grande importance pour la conservation de la biodiversité, tout en constituant en espace de détente attrayant pour la population.

L’espace rural connaît lui aussi des évolutions réjouissantes : ces dix dernières années, les agriculteurs ont créé de nombreuses nouvelles surfaces de promotion de la biodiversité, parmi lesquelles figurent par exemple des prairies et pâturages exploités extensivement, des surfaces à litière, des haies, des bosquets et des jachères florales. Ces surfaces représentent désormais près de 20 % de la surface agricole utile. Les premiers résultats du programme « Arten und Lebensräume Landwirtschaft - Espèces et milieux agricoles » montrent que les surfaces de promotion de la biodiversité permettent de conserver efficacement la diversité des espèces dans l’espace rural, car elles abritent une biodiversité plus riche que les terres agricoles.

L’écart est particulièrement marqué sur le Plateau, si bien que ces surfaces de promotion de la biodiversité y revêtent une grande importance. De plus, un paysage rural qui comporte suffisamment de surfaces de promotion de la biodiversité de qualité et qui est exploité durablement permet de concilier production et conservation de la biodiversité.

Biodiversité dans les régions de montagne : un bien précieux à protéger

Les régions de montagne recèlent encore de multiples paysages riches en structures et en biodiversité. La conservation des milieux et des espèces dépend en grande partie de l’exploitation future des prairies et des pâturages. Ainsi, les surfaces très fertilisées ou sur lesquelles paît le bétail présentent des apports en nutriments accrus et une diversité des espèces moindre. De plus, la diversité des espèces alpines est fortement mise sous pression par les changements climatiques.

Aujourd’hui déjà, les plantes et les papillons cryophiles sont de plus en plus évincés par des espèces aimant la chaleur, qui colonisent désormais des milieux à plus haute altitude. En outre, de nombreuses espèces aimant le froid s’accommodent mal de l’évolution des conditions environnementales. De même, les espèces alpines sont parfois très sensibles à l’augmentation des activités de loisirs en montagne.

Wanderweg in Oberrickenbach-Bannalp_Sylvia Michel-Schweiz Tourismus
Sentier de randonnée à Oberrickenbach-Bannalp.
© Sylvia Michel | Schweiz Tourismus

Des mesures de promotion en forêt variées et efficaces

Grâce à une gestion durable, les forêts suisses sont relativement proches de l’état naturel et abritent une grande diversité d’espèces : on y trouve plus de 40 % des espèces animales et végétales indigènes. Les écosystèmes forestiers revêtent donc une importance cruciale pour la biodiversité. Les forêts présentent toutefois elles aussi des déficits écologiques, car 46 % des coléoptères, 20 % des plantes, 15 % des oiseaux nicheurs et 10 % des champignons qui y vivent demeurent menacés. Les forêts de production manquent de bois mort (malgré une augmentation considérable selon les régions ces 30 dernières années), de grands arbres et de peuplements dépérissants (vieux bois), de lisières étagées et diversifiées ainsi que de zones humides et de parcelles forestières ouvertes favorables aux espèces thermophiles.

Plusieurs acteurs travaillent ensemble pour améliorer la situation : la Confédération, les cantons et les propriétaires forestiers comblent ces déficits en délimitant des réserves forestières naturelles et en prenant des mesures de conservation ciblées. Dans ces réserves, une dynamique naturelle peut s’établir sur de longues périodes, créant ainsi de nouveaux habitats pour des espèces spécialisées, telles que le pic cendré ou le capricorne du chêne.

Différentes mesures, comme la délimitation d’îlots de sénescence dans les forêts de production et la conservation des espèces et des milieux dans les réserves forestières spéciales, permettent de promouvoir davantage la biodiversité en forêt. Ainsi, une sylviculture proche de la nature doit être complétée par une variété de mesures de protection et de conservation. Une biodiversité forestière élevée profite également aux êtres humains. En effet, des forêts (protectrices) riches en espèces sont plus stables que les forêts monotones. Dans le contexte des changements climatiques, elles sont ainsi plus résilientes et protègent mieux des dangers naturels.

Davantage de nature, aussi en ville

Les avantages que présente la biodiversité en matière de lutte contre les changements climatiques sont également perceptibles dans l’espace urbanisé. Dans nos villes et villages, l’imperméabilisation des sols n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Il est donc d’autant plus important de valoriser et de mettre en réseau les espaces verts et les milieux aquatiques en ville. Les espaces verts riches en espèces, les allées d’arbres et les petits cours d’eau profitent également à la population : ils animent le paysage urbain, offrent des oasis de calme et atténuent la chaleur dans les villes, ce qui a toute son importance au regard des changements climatiques.

Que ce soit en ville, dans les Alpes ou en forêt, la biodiversité ne peut être conservée que si tous les acteurs impliqués se mobilisent : propriétaires de jardin, propriétaires de forêt, agricultures, architectes, planificateurs et consommateurs. Les nombreuses mesures de maintien et de développement déjà déployées prouvent que le jeu en vaut la chandelle. Pas seulement dans l’intérêt de la nature, mais dans notre intérêt à tous.

Nouvelles publications sur l'état de la biodiversité

Biodiversité en Suisse

UZ-2306-F

État et évolution. 2023

Espèces et milieux menacés en Suisse

UZ-2305-F

Synthèse des listes rouges. 2023

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Dernière modification 22.05.2023

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