À quoi correspond un kilo de CO2 ? Quels actes du quotidien génèrent ce gaz à effet de serre et en quelle quantité ? Comment pourrions-nous réduire notre consommation énergétique et nos émissions de CO2 ? Voici quelques-unes des questions traitées dans l’Atelier Climat destiné aux écoles professionnelles et cantonales. Les jeunes y produisent de l’électricité sur un vélo ou tirent le poids d’un SUV.
Texte: Santina Russo
A. Un vol aller-retour Zurich-Sydney (33 100 km)
B. 10 000 km avec un SUV à moteur essence
C. Un iPhone 13 (fabrication, transport, utilisation et élimination)
D. 10 000 km avec une voiture électrique de classe moyenne, chargée au courant vert
E. Une année de consommation de courant vert (pour une personne)
F. Une année d’alimentation carnée (pour une personne)
G. Un aller-retour en train Zurich-Marseille pour passer des vacances à la mer (1500 km)
A. 5900 kg CO2
B. 4100 kg CO2
F. 2200 kg CO2
D. 850 kg CO2
C. 64 kg CO2
G. 26 kg CO2
E. 17 kg CO2
Konstantin pédale de tout son cœur. « Continue, ne t’arrête pas », l’encourage le responsable de l’atelier, Christof Seiler. Le pédalier du vélo entraîne une petite génératrice, qui produit de l’électricité pour alimenter une ampoule. Konstantin, élève d’une école cantonale, ne semble pas fournir un effort très important ni être particulièrement fatigué. Mais dès qu’il pédale un peu trop lentement, la lumière de l’ampoule se met à vaciller. Christof invite Elena, une camarade de classe de Konstantin, à toucher l’ampoule. « Elle est très chaude », constate-t-elle. À l’inverse, l’ampoule LED que Christof relie à présent à la génératrice du vélo reste froide, même allumée. Pour celle-ci, Konstantin ne devra produire en pédalant que six watts, au lieu de 60 watts pour l’ampoule d’ancienne génération, comme vient de le lire Elena sur l’appareil de mesure connecté au circuit. « Tout ce qui chauffe consomme davantage d’énergie », explique le responsable de l’atelier au groupe.
La comparaison de la consommation électrique de différents objets n’est que l’un des nombreux sujets abordés dans l’Atelier Climat destiné aux écoles professionnelles et cantonales. Il y est surtout question des gaz à effet de serre tels que le méthane et le CO2 et de la manière dont ces derniers contribuent au réchauffement planétaire. « Dans bon nombre d’écoles professionnelles, ce thème, pourtant d’une importance capitale, n’est traité que de façon marginale », indique Stefan Brehm. Cet enseignant en école professionnelle a imaginé l’Atelier Climat en collaboration avec Christof Seiler, responsable d’interaction. Cet après-midi de mi-février, les deux hommes sont présents pour mener l’atelier. « Il était important à nos yeux d’aborder ce sujet de la manière la plus parlante possible. » Christof complète : « Les élèves participent activement. Ils sont invités à réfléchir et développer eux-mêmes des idées pour réduire leurs émissions de CO2 et vivre en respectant le climat. »
Énigme sur le thème du climat
Depuis 2020, les deux hommes animent des ateliers de ce type 30 à 40 fois par an. Celui d’aujourd’hui accueille la classe 2A de culture générale de l’école cantonale am Brühl de Saint-Gall et a lieu à Winterthour, dans un bâtiment de la ZHAW, d’ailleurs entièrement fabriqué à partir de composants réutilisés. Confortablement adossés contre le mur, les élèves ont pris place par terre. « Fermez les yeux », leur dit Christof. Il ouvre une bouteille d’eau gazeuse qui émet un « pschitt ». « Qu’est-ce qui, selon vous, a provoqué ce bruit ? », demande-t-il. « Et comment s’appelle ce gaz ? ». Les jeunes, âgés de 17 à 18 ans, répondent sans hésiter qu’il s’agit du CO2. Un gaz inoffensif dans l’eau, mais très nocif pour le climat.
Une courte vidéo dresse le tableau de la situation : déboisement des forêts tropicales, fonte des calottes polaires, pénurie croissante d’eau douce. Elle traite aussi de l’objectif de 1,5 degré et de tout ce qui peut advenir s’il n’est pas atteint. L’appareil qui projette le film au mur est alimenté avec le courant généré par le vélo : c’est Nalawi, un élève, qui pédale pour fournir les 50 watts requis.
Les élèves doivent ensuite résoudre une énigme en binômes et classer différentes activités du quotidien en fonction de la quantité de CO2 qu’elles produisent. Quels actes ont la plus lourde empreinte ? Parcourir 10 000 km avec un 4 × 4 à moteur essence ou consommer de la viande pendant un an ? Quel est le bilan carbone d’une vidéo regardée en streaming sur un téléphone portable comparé à celui d’un vol vers Sydney ? (Pour tenter vous aussi de résoudre l’énigme, consultez l’encadré p. 41). Se montrant encore réservés le matin, les jeunes participent à présent activement et entament de vifs débats.
Soutien de l’OFEV
« Cette démarche, qui consiste à aller chercher les élèves dans leur quotidien, a été un élément déterminant pour encourager ce projet », indique Sévérine Haldi, spécialiste de l’éducation climatique à l’OFEV, qui participe aux décisions d’attribution d’aides financières dans le cadre du Programme Climat – formation de l’OFEV. « Je trouve formidable que, grâce à ces ateliers, les jeunes puissent appréhender le sujet de manière extrêmement concrète, en produisant de l’électricité grâce à un vélo, par exemple, indique Séverine Haldi. Ce genre d’expérience ne s’oublie pas. » L’enthousiasme dont font preuve les deux animateurs ne lui a pas échappé : « Assurément l’une des raisons du succès de ces ateliers. » D’ailleurs, Christof Seiler, responsable d’interaction, et Stefan Brehm, enseignant, ne cessent de développer leur projet. Ainsi, ils proposent désormais aussi des modules traitant de la justice climatique mondiale ou mettant en avant des idées créatives pour la protection du climat.
Dans le cadre de son Programme Climat – formation, l’OFEV soutient également d’autres projets. Quinze idées visent ainsi à promouvoir les compétences de spécialistes ou de personnes en formation en matière de protection du climat ou d’adaptation aux changements climatiques. « La plupart des projets s’adressent à un groupe cible spécifique », précise Séverine Haldi. Actuellement, l’OFEV encourage non seulement un programme de formation continue sur l’atténuation de la chaleur en ville, mais aussi des formations pour les communes ou encore les Climate Labs à destination des apprentis en entreprise. « Les projets de formation sont en lien étroit avec la pratique et permettent de montrer des possiblités concrètes de mise en oeuvre au quotidien, souligne Séverine Haldi, ainsi, dans le cadre des Climate Labs, les apprentis peuvent développer et réaliser leurs idées pour la protection du climat au sein même de l’entreprise qui les accueille.
»Opération « tirer un SUV »
La classe 2A va maintenant entrer véritablement en action : en plein air et sous le soleil, les élèves vont devoir tirer un SUV sur dix mètres. Étant donné que, par conviction, Christof et Stefan, les animateurs de l’atelier, ne possèdent pas un tel véhicule, il leur faut user d’un stratagème. Ils demanderont donc aux étudiants de tirer huit de leurs camarades, l’un après l’autre, sur une bâche de sauvetage et sur dix mètres chaque fois, jusqu’à l’équivalent du poids d’un SUV – soit deux tonnes à tirer à la force des bras ! Cerise sur le gâteau : il s’agit d’une course et la classe doit tenter de battre le record précédemment établi par un autre groupe.
La première « transportée » est l’enseignante de la classe, Johanna Büche. Elle s’allonge sur la bâche, dont les huit porteurs saisissent chacun une pointe. Les jeunes tirent, courent, trébuchent, crient et rient beaucoup. « Allez ! Plus vite ! Vous y êtes presque ! », les encouragent Stefan et Christof. Au début, les jeunes se lancent à toute vitesse mais, à force de courir et tirer, ils sont bientôt clairement ralentis par la fatigue. À l’inverse, le changement de rôle tous les dix mètres semble de plus en plus fluide. La classe 2A réalisera finalement l’opération en 2 min 56 sec, battant ainsi le record établi à 3 min 8 sec. Les participants sont épuisés, mais heureux. « Avec un vélo, beaucoup plus léger, vous auriez parcouru la même distance en quelques secondes seulement », commente Stefan. Car cette activité ludique entendait également sensibiliser les jeunes à l’énorme quantité d’énergie nécessaire pour déplacer un véhicule aussi lourd qu’un SUV.
Pour Johanna Büche aussi, l’après-midi est une belle réussite. « J’ai aimé voir la classe évoluer en dehors du cadre de l’école. » Elle en est sûre : « Le sujet de la protection du climat dépasse désormais la théorie et restera ancré dans les esprits de tous les élèves qui ont vécu cette expérience. » Le vélo a également été sorti de l’atelier. Grâce à lui – et au mixer fixé sur son guidon ! – les jeunes vont à présent pouvoir s’offrir un petit rafraîchissement : en quelques coups de pédale, Vanessa, juchée sur la selle, mixe pour tout le groupe un smoothie à base de jus de baies rouges et de bananes. L’opération aura duré une minute à peine. « Super », dit Konstantin. Et tandis que ses camarades finissent leur verre, il enfourche à son tour le vélo et part faire le tour du quartier…
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Dernière modification 13.09.2023