Dérèglement climatique oblige, la fréquence et l’intensité des épisodes de fortes pluies vont continuer à augmenter dans les années à venir, ce qui peut notamment entraîner un risque accru d’inondations. Si des solutions existent pour en limiter l’impact, encore faut-il s’en emparer.
Texte : Jean-Christophe Piot
Le record de trois milliards de francs relevé en 2005 n’a pas été battu, mais les 450 millions de francs de dommages en Suisse liés aux intempéries de 2021 resteront dans les annales. Glissements de terrain, laves torrentielles, éboulements et surtout inondations : ce montant est le plus élevé sur les quinze dernières années. Et la tendance n’est pas à l’apaisement. Les scénarios climatiques suisses « Hydro-CH 2018 » tablent sur des précipitations plus intenses et plus fréquentes au cours des prochaines années, plus particulièrement l’hiver. Il va pleuvoir plus fort et plus souvent, avec pour première conséquence des crues plus importantes.
« Sur les cinquante dernières années, 10 % environ des dommages sont liés à des phénomènes comme les glissements de terrain ou les avalanches, mais 90 % sont provoqués par des inondations, détaille Wanda Wicki, géographe et collaboratrice scientifique à l’OFEV. Un cinquième de la population suisse est concerné par le danger de crues et tous les cantons sont exposés aux intempéries. Les zones rouges, les plus menacées selon les cartes des dangers, se situent le plus souvent à proximité des lacs, des rivières ou des pentes les plus abruptes, mais chaque endroit du pays peut être impacté. Quatre cinquièmes des communes de Suisse ont d’ailleurs été touchées au moins une fois au cours des cinquante dernières années. » De façon parfois spectaculaire, comme à Lausanne en 2018. En dix minutes, quarante millimètres de pluie se sont abattus sur l’agglomération vaudoise, provoquant un ruissellement de surface dévastateur dans les parties basses de la ville.
Nécessaire sensibilisation
Si les autorités cantonales ou communales revoient et adaptent régulièrement les cartes de dangers librement accessibles sur les Géoportails cantonaux, les propriétaires de bâtiments ne sont pas toujours suffisamment sensibilisés au risque d’inondation ou de ruissellement. Pourtant, deux tiers des bâtiments du pays sont situés en zone inondable. Pour réduire la vulnérabilité des bâtiments, les solutions techniques existent pourtant, qu’il s’agisse de concevoir une construction neuve ou de protéger un bâtiment en installant une série de dispositifs adaptés : des pompes, des clapets anti-retour sur les canalisations pour éviter de voir remonter les eaux usées, des parois de séparation en aluminium pour étanchéifier les portes et les ouvertures, ou encore des mini-digues en bordures de parcelles pour orienter l’eau de ruissellement vers des secteurs où elle peut s’écouler sans risque. Pour toute construction neuve, les mesures structurelles sont évidemment à privilégier en lien avec les autorités locales, les architectes et les maîtres d’œuvre qui peuvent aussi suggérer des enveloppes en béton étanche ou une surélévation du bâtiment.
Une meilleure connaissance de ces risques pourrait contribuer à prévenir les dommages, mais aussi à épargner des vies humaines – le danger n’est jamais anodin en cas d’inondation et peut notamment se traduire par un risque de noyade.
Parvenir à un risque acceptable
« Tout l’enjeu de la gestion du risque consiste à comprendre qu’il est impossible de garantir l’absence totale de dommages, explique Dörte Aller, fondatrice du cabinet zurichois Aller Risk Management. C’est parce que la sécurité absolue n’existe pas que la conscience et la gestion des risques sont importantes. Les conséquences des dangers liés à une inondation doivent être acceptables, c’est-à-dire économiquement et socialement supportables. En cas d’inondation, chacun peut comprendre que l’approvisionnement en eau potable puisse être affecté durant quelques heures. L’idée que les intempéries puissent provoquer des accidents mortels est bien plus difficile à admettre. » C’est à nous, en tant que société, de déterminer ce qui est raisonnable et ce qui ne l’est pas. « Pour chaque danger, différents acteurs jouent un rôle moteur. Dans le cas des crues, ce sont généralement les communes ou les cantons mais les autres porteurs de risques, qu’il s’agisse des personnes directement concernées ou des assureurs, doivent impérativement être impliqués », ajoute Dörte Aller. D’où l’importance d’une rapide prise de conscience.
Repenser les villes
Quels sont les risques liés aux fortes précipitations, et quelles sont les stratégies pour y faire face ? Le rapport « Eau de pluie dans l’espace urbain », de l’OFEV et de l’Office fédéral du développement territorial, détaille les risques liés aux épisodes de pluie intenses. Les villes suisses sont amenées à repenser leur urbanisme autour du concept de ville-éponge. « Au lieu d’évacuer l’eau de l’espace urbain, l’idée est de stocker l’excédent de pluie pour le restituer ensuite progressivement, pour limiter l’impact du ruissellement sur le bâti et favoriser la lutte contre les îlots de chaleur en alimentant la végétation urbaine », explique Antoine Magnollay, collaborateur scientifique à l’OFEV. Cette approche conjugue des solutions d’évaporation, d’infiltration, de rétention et de corridors d’écoulement.
En bref
Ces prochaines années, les pluies deviendront de plus en plus fréquentes et plus fortes, augmentant ainsi le potentiel d’inondations. Les projets de construction doivent en tenir compte. Des informations sur les normes de constructions SIA, qui indiquent aussi les mesures à adopter contre les crues sont disponibles sur : protection-dangers-naturels.ch
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Dernière modification 10.05.2023