Lutte contre le gaspillage alimentaire: Une application au service de la restauration

En évitant de gaspiller les aliments, les établissements de restauration préservent l’environnement, mais aussi leur budget. Cofinancée par l’OFEV, la nouvelle application Food Save App est une aide pratique, en particulier pour les petites et moyennes entreprises.

Texte: Peter Bader

Foodwaste
Thomas Zumstein, gérant du « Plan b lounge bar » à Winterthour (ZH), a considérablement réduit le gaspillage dans son établissement, notamment en réutilisant le pain.
© Flurin Bertschinger | Ex-Press | BAFU

Les chiffres ont de quoi faire frémir. Selon certaines estimations, environ un tiers des aliments sont gaspillés dans le monde. Ils sont éliminés avant même d’arriver dans l’assiette du consommateur car ils ne correspondent pas, par exemple, aux critères exigés par la société moderne. Sinon, faute d’être utilisés ou victimes de la surproduction, ils pourrissent, ou alors ils atterrissent dans une casserole avant d’être quand même finalement jetés. Tout le monde gaspille : les producteurs, les magasins et les restaurants, mais aussi les consommateurs chez eux. Qui n’a jamais jeté un vieux morceau de pain ou gardé les restes d’un déjeuner pour finir par les mettre à la poubelle, quelques jours plus tard ? À l’échelle mondiale, ces aliments gaspillés nécessitent une surface agricole qui représente une fois et demie la superficie de l’Europe et qui s’avère donc exploitée inutilement.

Consommation de terres et d’eau

La Suisse génère à elle seule environ 2,6 millions de tonnes de déchets alimentaires par an. Si on les mettait dans des conteneurs pour déchets verts de 240 litres et qu’on alignait ces conteneurs par rangée de dix, il en résulterait une chaîne allant de Zurich à Vienne. Les déchets alimentaires représentent la récolte de 85 % des terres arables suisses. En plus d’énormes ressources en sol, la production alimentaire exige beaucoup d’eau : environ 80 % de la consommation d’eau totale de notre pays. « L’alimentation est responsable de près d’un tiers de l’impact environnemental de la Suisse », déclare Gisela Basler, de la section Éducation à l’environnement à l’OFEV. « Limiter les déchets alimentaires contribue donc à réduire considérablement la pression sur l’environnement. »

Conformément aux objectifs de développement durable de l’ONU (ODD), la Suisse devrait réduire de moitié ses déchets alimentaires d’ici à 2030. Plusieurs mesures s’imposent, notamment dans le domaine de la restauration, pour atteindre ce but ambitieux. Selon les chiffres d’United Against Waste (UAW), une association regroupant environ 160 entreprises du secteur alimentaire, quelque 11 % des déchets alimentaires en Suisse (ce qui équivaut à 290 000 tonnes par an) proviennent des restaurants, des bars ou des cantines. Ils sont générés par des erreurs de commande ou de stockage, par les restes provenant des assiettes des clients ou par la surproduction. En évitant le gaspillage alimentaire, les entreprises apportent une contribution précieuse à la réduction de la charge environnementale, tout en préservant leur budget. Une étude conjointe menée par l’association hotelleriesuisse et l’association UAW a examiné à la loupe les déchets alimentaires de 17 établissements hôteliers. « Selon cette étude, les déchets alimentaires s’élèvent en moyenne à 190 grammes par client et par menu », indique Moritz Müllener, de l’association UAW. « Pour l’entreprise, le coût se monte à 1 franc par client. » Le potentiel d’économies est donc considérable. Grâce à des mesures simples, un établissement modèle a pu réduire ses déchets de 30 % en trois semaines et ainsi économiser 3000 francs par mois, explique le spécialiste du gaspillage alimentaire.

Foodwaste App
La Food Save App doit être un outil de référence consultable à tout moment par les établissements de restauration.
© Flurin Bertschinger | Ex-Press | BAFU

Plus de 200 mesures proposées

Le gaspillage alimentaire n’est pas un sujet nouveau pour la branche, et il existe déjà des guides, des coachings et des séminaires pour tenter d’y mettre un terme. Toutefois, d’après Moritz Müllener, il n’est pas si facile pour les petites et moyennes entreprises de participer à un séminaire ou de s’offrir un coaching : « Il leur manque soit l’argent, soit les ressources en personnel. »

Avec le soutien financier de l’OFEV, son association a donc mis au point une application que les restaurants, les bars, les cantines et d’autres entreprises alimentaires, comme les boulangeries, peuvent utiliser gratuitement. La UAW Food Save App a pour but de leur servir d’outil de référence, consultable à tout moment, explique Moritz Müllener. Dans les domaines Planification + Achats, Production + Réalisation, Vente + Offre, Élimination + Recyclage, ainsi que Recettes, elle fournit des solutions visant à diminuer le gaspillage alimentaire. « Cette application propose plus de 200 mesures simples et rapidement efficaces », poursuit le spécialiste.

Le pain qui n’a pas été consommé au buffet du petit-déjeuner peut, par exemple, être utilisé pour préparer des croûtons ou des puddings. La soupe n’est pas indispensable dans le menu du jour : elle peut être servie uniquement aux clients qui la demandent et qui donc la mangeront. Les cantines devraient réduire la taille des louches et des portions pour éviter les restes dans les assiettes et pour que seuls les gros mangeurs soient resservis. Il est aussi possible d’améliorer la compétence du personnel en matière de découpe : lorsqu’un ananas est préparé, une grande partie de sa chair disparaît souvent avec l’écorce dans les déchets organiques, à l’instar d’autres épluchures. Et si, malgré tous les efforts entrepris, il y a des restes, l’application recommande par exemple de contacter un réseau qui distribue les aliments encore consommables aux personnes démunies.

« Facile d’accès et pratique »

Thomas Zumstein, gérant du « Plan b lounge bar » à Winterthour, a participé au développement de l’application et l’a aussi déjà expérimentée. À midi, il sert un menu à 40 clients ; le soir, son bar peut recevoir jusqu’à 120 personnes. Il explique que l’application a été très bien accueillie chez lui. Les jeunes employés ont particulièrement apprécié sa forme numérique. Selon lui, il ne fait aucun doute qu’elle permet de réduire le gaspillage alimentaire, à condition toutefois « de prendre le sujet au sérieux et d’être motivé ». Thomas Zumstein a déjà consenti d’importants efforts dans son bar pour lutter contre le gaspillage alimentaire et il est ainsi parvenu à réduire de trois quarts ses déchets. L’élément déterminant a surtout été la réutilisation du pain et le fait de servir des portions plus petites tout en proposant aux clients de pouvoir se resservir.

Gion Fetz, Executive Chef et professeur à la Swiss School of Tourism and Hospitality de Passugg (GR), a aussi testé attentivement l’application avec ses étudiants. Son bilan est positif : il juge cet outil idéal car les jeunes générations le maîtrisent. De plus, il est très accessible puisqu’il ne coûte rien. « Avec une organisation adaptée, cette application permet de réduire nettement les restes de nourriture d’un établissement », se réjouit Gion Fetz. Il propose de compléter l’application par une fonctionnalité de mise en concurrence et de contrôle, qui permettrait de renforcer la motivation et l’engagement, et donc les chances de réussite.

Une extension en préparation

Moritz Müllener, de l’association United Against Waste, accorde une grande importance à ces retours. Actuellement, il existe une version de base de l’application, bientôt également disponible en français. L’extension de l’application par une fonctionnalité de contrôle et de mise en concurrence est en cours d’étude. Elle pourrait permettre, par exemple, à plusieurs établissements de se comparer et de se mesurer entre eux. « Pour nous, l’application n’est pas encore terminée : elle ne constitue qu’une base de départ, destinée à se développer et à s’enrichir de nouvelles idées », précise le chef de projet.

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Dernière modification 04.09.2019

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