Implication publique: «Les nouvelles technologies dopent la participation citoyenne»

Organisation de manifestations via les réseaux sociaux, contribution à des projets scientifiques en ligne, mise à disposition de géodonnées : les citoyens participent de plus en plus à la lutte climatique. De façon active… et passive.

Texte: Patricia Michaud

Gemeinsam wissenschaftliche Früchte ernten
Sans méthodologie, la récolte de données porte-t-elle toujours ses fruits ?
© BAFU

Pancartes bariolées, ambiance chaude malgré la météo hivernale, chants animés : cet hiver, de nombreuses villes suisses ont vibré au rythme des grèves climatiques organisées par les gymnasiens. Cortèges de Carnaval mis à part, aucune manifestation urbaine n’avait jamais réuni – en semaine ! – autant de personnes âgées de moins de 18 ans. Et c’est justement l’ampleur de ce cri du cœur collectif contre le réchauffement qui a marqué les esprits des adultes, politiciens en tête.

Il faut dire que les manifestants disposaient d’un outil de rassemblement diablement efficace : les réseaux sociaux. « Sans eux, il aurait été difficile de susciter une mobilisation à l’échelle nationale », analyse Cloé Dutoit, représentante de la grève du climat à l’Université de Neuchâtel. Concrètement, des groupes de discussion WhatsApp ont été créés dans les différents cantons. « Ils faisaient office de groupes de diffusion, sur lesquels figuraient les informations principales sur les grèves mais aussi les liens vers les sous-groupes à l’échelle des différents gymnases et universités. D’autres groupes, que l’on pourrait qualifier de groupes de travail, ont aussi été lancés, par exemple ceux dédiés à la logistique ou aux contacts avec les autorités. » Le but d’un tel saucissonnage ? « Éviter que les informations importantes ne soient trop diluées dans le flux des conversations. »

Fondatrice du site web En Vert et contre tout, Leïla Rölli constate elle aussi que les réseaux sociaux constituent une fabuleuse machine à faire participer les citoyens à la lutte climatique : « Sans eux, mes chroniques et mes campagnes n’auraient que peu de visibilité. » Les canaux de communication privilégiés de la jeune militante ? Facebook, Instagram, Twitter et YouTube. « Dans le cadre de l’action Février sans supermarché, j’ai par exemple créé des pages Facebook régionales. » Quant à la campagne Papaille, qui se bat pour l’éradication des pailles en plastique dans les bars et les cafés, elle s’appuie entre autres sur la publication sur Instagram d’images des « bons élèves ».

De l’utilité des smartphones

En matière de participation citoyenne au combat environnemental, la diffusion de messages à large échelle via les réseaux sociaux n’est, de loin, pas la seule manière d’exploiter les nouvelles technologies. Les smartphones, pour ne citer qu’eux, permettent à tout un chacun de contribuer à la recherche climatique. « En soi, les sciences citoyennes ne sont pas un phénomène lié à la numérisation », nuance Tiina Stämpfli, directrice adjointe de la fondation Science et Cité. « De tout temps, des non-­spécialistes ont fourni des données tirées de leurs observations, effectuées par exemple avec des jumelles ou des thermomètres. » Reste que les nouvelles possibilités offertes par les téléphones intelligents ont donné un vrai coup d’accélérateur à cette pratique.

Du local au mondial

Depuis quelques années, les projets scientifiques reposant sur les données récoltées par des citoyens lambda abondent. Lancée dans le giron de l’Université de Zurich, la CrowdWater App permet par exemple d’effectuer des mesures dans des cours d’eau helvétiques et de les transmettre par smartphone à une équipe de chercheurs qui modélise les prévisions des crues et des sécheresses. L’association STOPPP, quant à elle, a encouragé des bénévoles à consigner leurs observations dans une application baptisée Marine Litter Watch ; il en a découlé, en 2018, le Swiss Litter Report, qui conclut que les eaux helvétiques sont de plus en plus impactées par les déchets plastiques.

Parallèlement à la multiplication des projets de sciences citoyennes à l’échelle locale, Tiina Stämpfli constate avec plaisir un essor d’actions transnationales. « Le réchauffement est un problème mondial, contre lequel il faut lutter avec des projets mondiaux. Justement, les nouvelles technologies permettent de collaborer avec les quatre coins de la planète. » Un exemple ? Le programme Global Mosquito Alert, qui met en commun, via la plateforme technologique Environment Live, des observations récoltées par des milliers de scientifiques et de bénévoles à travers tous les continents. L’objectif est de faire face plus efficacement aux ravages des moustiques, qui vont en augmentant à cause du réchauffement.

Le défi de la protection des données

Si les sciences citoyennes impliquent la participation active de la population, l’essor des nouvelles technologies rend possible une autre forme de contribution à la préservation de l’environnement, passive cette fois. « Dès que l’on possède un smartphone, on livre, parfois sans en être conscient, une quantité énorme d’informations », explique le spécialiste des géodonnées Raphael Rollier. Des informations qui constituent une mine d’or potentielle en matière de développement durable. « Prenez la société Moovit, dont l’application gratuite permet de planifier son déplacement en transports en commun dans des milliers de villes du monde. Ses conditions générales stipulent que les utilisateurs acceptent d’être géolocalisés, même lorsque l’application n’est pas active sur leur smartphone. » Grâce à ces données, combinées à celles disponibles en open source et aux observations fournies par 500 000 bénévoles à travers le monde, Moovit est en mesure « de faire notablement progresser le report modal », c’est-à-dire de favoriser le transfert des usagers d’un mode de transport à un autre.

Reste que l’utilisation des informations fournies par les smartphones et autres tablettes pose un important défi, celui de la protection des données. « Il y a encore une vraie naïveté de la part des citoyens face au big data », commente Raphael Rollier. Même son de cloche du côté de Tiina Stämpfli : « Il est extrêmement important de fixer un cadre strict à l’utilisation des données, même dans le contexte de projets qui n’ont pas un but commercial. Après tout, ce n’est pas parce qu’un citoyen accepte de fournir des informations pour une bonne cause qu’il consent, dans la foulée, qu’une machine sache en tout temps où il se trouve. »

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Dernière modification 04.09.2019

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