La population suisse est très attachée à son paysage et souhaite que la beauté et la diversité de ce dernier continuent à l’avenir de lui offrir une qualité de vie et du site élevée. Des efforts supplémentaires sont toutefois nécessaires afin de poursuivre le développement qualitatif d’un paysage qui, malgré des améliorations ponctuelles et la baisse de la surface moyenne par habitant, demeure sous pression. Pour que toute la population profite du développement urbain vers l’intérieur tel qu’il est souhaité par la Suisse, des espaces verts attrayants doivent être préservés et valorisés également dans les agglomérations.
- 1. Exigences en matière de logement, de mobilité, de loisirs (forces)
- 2. Croissance des surfaces d’habitat et d’infrastructure, extension des infrastructures de transports, changements structurels dans l’agriculture (pressions)
- 3. Diversité des paysages, transformation des terres cultivées, mitage, morcellement du paysage (état)
- 4. Réduction des prestations récréatives et lacunes dans la mise en réseau (impacts)
- 5. Inventaires, parcs et compensation écologique (réponses)
1. Exigences en matière de logement, de mobilité, de loisirs et d’infrastructures économiques et commerciales (causes)
Le paysage est le reflet des évolutions naturelles, sociales et économiques. Il est particulièrement marqué par :
- l’aménagement naturel, conséquence des processus géologiques, climatiques et biologiques,
- le développement de l’urbanisation et des infrastructures, et
- les formes d’exploitation agricole et sylvicole.
L’extension de la surface des agglomérations est liée à la croissance démographique et économique, ainsi qu’à l’accroissement des exigences en matière d’habitat, de mobilité et d’infrastructures économiques et commerciales. Par ailleurs, la séparation géographique de plus en plus répandue du travail, du logement et des loisirs contribue au mitage du territoire. Compte tenu de ces évolutions, la pression sur le paysage se maintient. Le développement des énergies renouvelables contribue également à cette pression.
À l’avenir, les changements climatiques et les mesures d’adaptation associées auront une influence encore plus grande sur le paysage. En haute montagne, le recul des glaciers laissera des traces visibles. Le risque d’éboulement et de glissement de terrain sera plus élevé, et la végétation subira elle aussi des changements. Dans les secteurs urbanisés, les espaces verts tels que les jardins, les parcs et les forêts seront de plus en plus importants pour l’adaptation aux changements climatiques : pour lutter contre les îlots de chaleur en ville et pour contrer le ruissellement en cas de fortes précipitations.
2. Croissance des surfaces d’habitat et d’infrastructure, extension des infrastructures de transports, changements structurels dans l’agriculture (atteintes)
Les paysages suisses évoluent fortement depuis plusieurs décennies. En Suisse, l’accroissement des surfaces d’habitat et d’infrastructure se poursuit. Elles se situent avant tout autour des villes et des agglomérations, sur le Plateau suisse et au fond des vallées. Au total, les surfaces bâties ont augmenté de près d’un tiers (+776 km2) entre 1985 et 2018, bien que leur extension se soit quelque peu ralentie ces dix dernières années. À présent, l’espace urbain s’accroît moins vite que la population. Cela pourrait signifier que le développement urbain vers l’intérieur rencontre ses premiers succès.
Il existe des disparités géographiques : les régions rurales surtout continuent d’afficher un taux de croissance de 10 % ou plus. Cette différence tient notamment au fait que la surface utilisée par personne y est toujours en augmentation et conduit à une aggravation de la problématique du mitage.
Le mitage du territoire est également accentué par l’extension des infrastructures de transports. Entre 1985 et 2018, la surface de transport est passée de 825 km2 à 955 km2. Des installations et des équipements sont également créés en dehors des zones habitées pour la détente, le sport et le tourisme : installations de transport touristiques, pistes enneigées ou cyclables, restaurants, parkings, etc. Dans les régions de montagne notamment, les activités de sports d’hiver se déplacent déjà vers des zones de haute montagne laissées jusque-là à l’état naturel, et le tourisme d’été gagne en importance.
Les installations de production d’énergie et les lignes de transport constituent aussi des éléments marquants du paysage. La Stratégie énergétique 2050 et la nécessité de construire de nouvelles installations destinées à utiliser les énergies renouvelables auront un impact considérable sur l’évolution du paysage dans les années à venir.
Le nombre de bâtiments, de routes et d’infrastructures de loisirs augmente, essentiellement aux dépens de la surface agricole utile, qui a diminué au cours des dernières décennies. Ce phénomène affecte principalement les structures à grande valeur écologique, à savoir les haies, les arbres isolés ou les tas de pierres, dans les sites peu accidentés qui se prêtent bien à l’exploitation.
La rationalisation de l’agriculture se traduit par une exploitation intensive des surfaces restantes. Dans les régions de basse altitude, l’exploitation agricole a tendance à se diversifier ; l’agriculture intensive continue cependant d’avoir un impact négatif sur la diversité des structures et sur la biodiversité. De nombreux pâturages d’altitude, principalement sur le versant sud des Alpes, sont laissés à l’abandon et peu à peu colonisés par la forêt.
De plus, les bâtiments et installations agricoles ont besoin de surfaces supplémentaires, la tendance étant à l’agrandissement des étables et à l’élargissement des voies d’accès et des aires de virage.
Les émissions lumineuses augmentent depuis des années dans le monde entier. Sur le Plateau, il n’y a depuis 1996 plus un seul kilomètre carré où règne une obscurité absolue durant la nuit ; le Jura aussi connaît cette situation depuis 2008.
3. Diversité des paysages, transformation des terres cultivées, mitage, morcellement du paysage (état)
La Suisse est riche en paysages extrêmement divers. Certains sont des paysages d’importance internationale : les Alpes suisses Jungfrau-Aletsch (BE/VS), le Monte San Giorgio (TI), le Haut lieu tectonique Sardona (GL) et les anciennes forêts de hêtres des Valli di Lodano, de Busai et de Soladino (TI) et de la Bettlachstock (SO) sont les quatre sites suisses du patrimoine mondial naturel de l’UNESCO. Les sites du patrimoine culturel, comme les vignobles en terrasses de Lavaux et la ligne Albula/Bernina des Chemins de fer rhétiques, contribuent à la richesse paysagère suisse.
Le logement, le travail ainsi que les infrastructures de transports et de loisirs utilisent 8 % environ de la surface du pays. Les aires d’habitation représentent la plus grande partie (35 %) de ces surfaces d’habitat et d’infrastructure, suivies des surfaces de transport (30 %). Le reste est réparti entre les aires de bâtiments non habitées, les aires industrielles et artisanales, les espaces verts et les lieux de détente, les chantiers ainsi que les friches industrielles.
Grâce au développement urbain vers l’intérieur, la consommation de surface par personne a diminué, passant de 412 m2 à 396 m2. Cependant, dans le même temps, des mesures faites par satellite prouvent que les espaces verts en zone bâtie ont perdu environ 1 % par an en moyenne depuis 2017.
Malgré la légère décélération, l’urbanisation accentue le mitage – c’est-à-dire l’expansion non réglementée de constructions dans l’espace non bâti. Le paysage, autrefois ouvert, se transforme de plus en plus en un paysage de constructions et de technique.
Le morcellement continue lui aussi sa progression en raison de nouvelles infrastructures de transport. Par rapport aux années 1980 et 1990, la hausse est toutefois moins forte. Le Plateau est la région la plus morcelée par des voies de communication : il abrite plus de la moitié de toutes les liaisons routières de Suisse.
Près de deux tiers des surfaces d’habitat et d’infrastructure sont imperméabilisées. Cela correspond à 5 % de la superficie du pays (2081 km2). L’imperméabilisation des sols s’est même accélérée récemment (2009-2018 par rapport à 1997-2009).
Entre 1985 et 2018, la surface agricole suisse, zone d’estivage incluse, a perdu 1143 km2, soit 7 % du territoire. Sur le Plateau et dans le fond des vallées, les surfaces agricoles cèdent la place aux surfaces d’habitat la plupart du temps, tandis que les buissons et les forêts progressent en altitude.
Depuis 1985, les surfaces construites hors zone à bâtir ont augmenté d’environ 60 hectares par an. Souvent, les bâtiments et installations agricoles ne s’intègrent pas suffisamment dans leur environnement, contrairement aux Objectifs environnementaux pour l’agriculture et aux objectifs de la Conception « Paysage suisse » (CPS).
Les alpages étant moins utilisés, la surface forestière s’accroît principalement en altitude. Elle couvre aujourd’hui plus de 32 % du territoire.
L’intensification et la rationalisation unilatérale de l’agriculture entraînent la perte constante d’éléments caractéristiques du paysage et d’une grande valeur écologique. En revanche, depuis la révision de la loi fédérale sur la protection des eaux en 2011, la situation s’est améliorée près des cours d’eau. La végétalisation adaptée et l’élargissement de l’espace réservé aux eaux qu’implique la revitalisation rendent les cours d’eau plus attrayants et créent de meilleures conditions pour la biodiversité. Le ressenti face à ce paysage est donc positif.
Une enquête représentative réalisée en 2020 montre que la population suisse perçoit les nombreuses modifications de son paysage. Les changements dans l’espace urbain sont davantage remarqués que les changements dans l’espace agricole ou dans l’espace lié aux eaux. On constate également que les communes urbaines et les agglomérations changent davantage que les autres zones. L’appréciation de ces modifications par la population est toutefois divisée : la densification des zones urbaines, par exemple, est perçue positivement par beaucoup de personnes (32 %) mais aussi négativement par beaucoup d’autres (41 %).
4. Valeur récréative, découverte de la nature, attractivité du site, lacunes dans la mise en réseau (impacts)
Dans un paysage attrayant, les gens se sentent bien – que ce soit pour y habiter, y travailler ou s’y détendre. L’importance du paysage en tant qu’espace de détente est apparue très clairement pendant la pandémie de coronavirus : les espaces verts et les plans d’eau à l’intérieur de l’espace urbain ainsi que les espaces de détente de proximité ont vu leur fréquentation augmenter, et certains sites touristiques en zone rurale ont connu une grande affluence.
Des espaces de travail et lieux de vie de qualité, aménagés de façon naturelle, permettent de se détendre et de côtoyer la nature. Ils contribuent en parallèle à diminuer la chaleur ainsi qu’à retenir l’eau, tout en favorisant la biodiversité.
La population est en quête de paysages variés aux particularités régionales. Ceux-ci sont d’une importance majeure pour les loisirs et le tourisme, mais aussi pour le lieu de résidence : un emplacement au calme avec une belle vue se répercute directement sur les prix de l’immobilier. Des études montrent qu’inversement, des atteintes à un lieu résidentiel, comme le bruit ou une vue sur des installations électriques à courant fort, diminuent la disposition à payer.
La faune et la flore se retrouvent dispersées en petites populations isolées par le recul et le morcellement inexorables des surfaces restées proches de l’état naturel. Or, il suffit d’une mortalité élevée ou d’un taux de reproduction plus faible pendant quelques années pour qu’une telle population disparaisse.
En montagne, la surface agricole et en particulier les alpages diminuent car les prairies et les pâturages abandonnés s’embuissonnent. Évolution qui entraîne à long terme la disparition des biocénoses et de la diversité paysagère. À court terme, toutefois, la biodiversité peut augmenter et la végétation originelle reprendre sa place grâce au retour de la forêt.
L’accélération des changements renforce la pression sur le paysage et sur ses qualités. L’essor de la construction, les bâtiments peu adaptés aux conditions locales et les vastes monocultures nuisent à la spécificité, à la beauté et à la diversité des paysages, qui perdent leur typicité locale et régionale. À long terme, les prestations indispensables fournies par le paysage (les espaces de détente qu’il offre, les bienfaits pour la santé et le plaisir esthétique qu’il procure, l’attractivité à laquelle il contribue et l’élément identitaire qu’il représente) seront réduites.
5. Zones d’habitation de qualité et paysages remarquables (mesures)
Le développement durable du paysage est une tâche collective à réaliser par la Confédération, les cantons et les communes. Il nécessite une action cohérente à tous les niveaux de l’État, une bonne coordination des politiques ayant un effet sur l’aménagement du territoire et un dialogue intensif entre tous les acteurs.
La CPS actualisée en 2020 pose les bases d’une politique du paysage cohérente : ses objectifs sont mis en œuvre par la Confédération, les cantons et les communes dans le cadre de leurs domaines politiques ayant une incidence sur le paysage, notamment leurs politiques en matière d’énergie, de transports, d’organisation du territoire et d’agriculture. La CPS vise également à accroître la sensibilisation à l’importance du paysage et à renforcer les compétences opérationnelles nécessaires à sa gestion.
À la suite de l’entrée en vigueur en 2014 de la version révisée de la loi sur l’aménagement du territoire, les cantons doivent réaliser l’urbanisation vers l’intérieur. La politique des agglomérations de la Confédération exhorte la Confédération, les cantons et les communes à promouvoir la qualité de vie et la qualité de l’environnement en Suisse. Dans cette perspective, les agglomérations doivent se distinguer par une urbanisation de qualité vers l’intérieur et par une délimitation précise de leur étendue spatiale.
Par des contributions à la qualité du paysage et à la biodiversité versées dans le cadre de la politique agricole, la Confédération préserve la pratique d’une exploitation adaptée aux conditions locales et typique de la région, à l’exemple des cultures en terrasses et des pâturages boisés.
En septembre 2012, le Parlement a approuvé la ratification de la Convention européenne du paysage. Entrée en vigueur en Suisse en 2013, cette convention du Conseil de l’Europe constitue une base essentielle de la politique du paysage à l’échelle européenne et nationale.
La Confédération protège tout particulièrement les 162 objets de l’Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d’importance nationale (IFP). Reflet de la très grande variété des paysages façonnés par l’homme, ces objets font la richesse de l’histoire du paysage suisse – sa nature, son urbanisation et son exploitation. À ce titre, ils doivent être préservés. L’ordonnance révisée relative à l’IFP est entrée en vigueur le 1er juin 2017. Elle confère davantage de sécurité dans les domaines du droit et de la planification concernant la gestion du précieux patrimoine naturel et culturel suisse.
Les sites marécageux font partie des paysages suisses les plus beaux et les plus précieux en termes écologiques. Même s’ils bénéficient d’une bonne protection juridique (ordonnance sur les sites marécageux), leur qualité continue de se détériorer.
Avec le label Parcs d’importance nationale, la Confédération promeut depuis fin 2017 des régions qui protègent leurs trésors naturels et culturels tout en favorisant le développement de l’économie locale et en améliorant la qualité de vie de la population. En complément du Parc National Suisse créé en Engadine en 1914, 17 parcs ont été créés avec succès grâce à cet instrument, et deux autres sont en cours de création.
La Stratégie Biodiversité Suisse et la Politique forestière 2020 constituent d’autres instruments importants dans le domaine du paysage.
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Dernière modification 20.12.2022