Carte de l’aléa ruissellement: Un instrument utile face à un danger sous-estimé

Les débordements des ruisseaux, rivières et lacs ne sont pas les seuls à provoquer des dégâts, les écoulements d’eau en surface en génèrent aussi. Une nouvelle carte d’aléa indique pour la première fois le danger encouru sur l’ensemble du territoire suisse.

Texte : Mike Sommer

360_Artikel_4_mag-4-18

Tout propriétaire de maison se demande un jour quels dangers naturels peuvent menacer son bien. Les géoportails des cantons et de la Confédération fournissent sur internet des informations concernant les risques imputables aux avalanches, aux chutes de blocs, aux glissements de terrain, aux tremblements de terre ou aux crues. Mais un autre danger a été délaissé jusqu’ici : le ruissellement. Ce terme désigne l’eau qui, en cas de précipitations particulièrement intenses ou persistantes, ne parvient plus à s’infiltrer dans le sol ni à s’écouler dans les canalisations, les ruisseaux et les rivières. Elle emprunte alors le chemin le plus court en s’écoulant à travers champs ou le long de routes.

Ce phénomène, souvent peu spectaculaire, n’est pas anodin pour autant. Même si l’eau qui ruisselle en surface n’atteint généralement qu’une hauteur de quelques centimètres, elle cause jusqu’à la moitié des dommages dus aux inondations. Les années « normales », sans crues catastrophiques, ils se situent entre 50 et 70 millions de francs d’après les estimations des assureurs. Il n’existe pas de chiffres plus précis, mais ils sont corroborés par des données provenant de l’étranger. La facture des assurances croît rapidement lorsque l’eau pénètre dans un garage souterrain, une cave ou des locaux de plain-pied.

Une modélisation des événements extrêmes

Il y a peu de temps encore, seules certaines régions bénéficiaient d’informations au sujet du ruissellement. Cette lacune est désormais comblée. Après avoir collecté systématiquement les données requises dans toute la Suisse, l’OFEV a publié, avec l’Association suisse d’assurances (ASA) et l’Association des établissements cantonaux d’assurances (AECA), une carte d’aléa couvrant l’ensemble du territoire helvétique, librement accessible sur internet depuis début juillet 2018 (map.geo.admin.ch > Géocatalogue > Nature et environnement > Dangers naturels > Carte de l’aléa ruissellement). Mais avant de l’utiliser pour estimer le danger affectant une parcelle donnée, il faut savoir qu’elle résulte d’une modélisation – contrairement aux cartes des dangers proprement dites, dont le contenu a été validé minutieusement sur le terrain.

La carte de l’aléa ruissellement indique les surfaces susceptibles d’être touchées par un écoulement ou une stagnation de l’eau superficielle en cas de précipitations extrêmes, comme il en tombe une fois par siècle à un endroit donné. Elle précise aussi la hauteur d’eau escomptée. Des spécialistes ont modélisé ces informations à partir de données numériques décrivant les caractéristiques du sol, la morphologie du terrain et les précipitations considérées.

Vérifier d’abord sur place

Lorsque sa propre maison est située dans un périmètre menacé par le ruissellement, il est indispensable d’estimer concrètement le risque sur place. « Cette étude devrait être confiée à un expert », recommande Roberto Loat, à la division Prévention des dangers de l’OFEV. La carte de cet aléa a été élaborée et sa pertinence vérifiée dans plusieurs communes-tests depuis 2009, ainsi qu’à large échelle dans le canton de Lucerne à partir de 2016. « Nous avons constaté que le modèle resti-tuait très bien la réalité », résume Roberto Loat.

L’analyse sur le terrain devrait donc confirmer les informations qui figurent sur la carte dans la plupart des cas, moyennant toutefois quelques limitations. Le modèle ne tient pas compte des ouvrages de protection, ni des passages sous les routes et les remblais ferroviaires. La carte sera par ailleurs interprétée prudemment en zone urbaine, car l’incidence des égouts, des routes et des constructions n’est que partiellement modélisable. Un écoulement obstrué par des feuilles et par des grêlons est un exemple de phénomène aux conséquences potentiellement graves qui ne peut être prévu de manière fiable.

360_Artikel_4.2_mag-4-18

Prévoir des mesures protection assez tôt

Avec la carte de l’aléa ruissellement, les propriétaires, les urbanistes et les architectes disposent désormais d’un instrument facilitant l’estimation des risques. Il leur incombe également d’examiner des mesures appropriées pour protéger les objets menacés. Elles sont relativement faciles à réaliser, la hauteur d’eau étant souvent relativement faible en cas d’événement. « Mais il faut savoir qu’on ne peut vraiment compter que sur des mesures permanentes ou automatiques », relève Roberto Loat. Quand on doit monter soi-même, avant chaque orage, une protection devant un soupirail de sa maison, on s’expose à être absent au moment crucial.

Le spécialiste des risques de l’OFEV formule encore une recommandation : « Pour éviter de devoir modifier tardivement un projet de bâtiment à grands frais, il est judicieux d’intégrer les mesures de protection aussi tôt que possible dans sa conception, soit avant de déposer la demande de permis de construire. » Même si la carte de l’aléa ruissellement n’est qu’indicative, l’autorité en charge des constructions peut l’utiliser pour évaluer une requête et exiger des mesures de protection – en respectant toujours le principe de proportionnalité.

Tout le monde est concerné

Si cette carte peut être contraignante pour les propriétaires, il faut aussi se demander si elle doit l’être pour les autorités : les communes et les cantons sont-ils par exemple tenus de considérer les dangers potentiels dus au ruissellement lorsqu’ils délimitent leurs zones à bâtir ? « En publiant la carte, nous fournissons les bases, mais leur appli­cation relève de la compétence des cantons », souligne Roberto Loat. Plusieurs d’entre eux, selon lui, pourraient la déclarer obligatoire pour les autorités dans un premier temps et d’autres suivre petit à petit.

Une carte innovante et rassembleuse

Pionierprojekt mit 3 P

« Les dangers naturels sont encore généralement trop peu intégrés dans la planification et la cons­truction », signale Roberto Loat, de la section Gestion des risques de l’OFEV. C’est pourquoi il mentionne les urbanistes et les architectes parmi les principaux destinataires de la carte de l’aléa ruissellement.

C’est l’OFEV qui a lancé ce projet couvrant l’ensemble du territoire helvétique et mandaté son exécution. L’analyse des crues d’août 2005 avait révélé l’importance du danger, sous-estimé jusqu’alors, occasionné par l’eau qui s’écoule en surface. Depuis 2009, des spécialistes ont élaboré la méthodologie de modélisation de ce ruissellement dans plusieurs communes-tests, puis ils ont vérifié sa pertinence. Au début 2016, le Canton de Lucerne a été le premier à mettre en ligne une carte d’aléa cantonale, d’entente avec l’OFEV.

L’office a pu compter sur le soutien de l’Association suisse d’assurances (ASA) et de l’Association des établissements cantonaux d’assurance (AECA) pour dresser la carte suisse. Résultant d’un partenariat public-privé (PPP) entre le secteur des assurances et un service de la Confédération, ce projet revêt un caractère novateur dans le domaine des dangers naturels, constate Roberto Loat.

Informations complémentaires

Contact
Dernière modification 28.11.2018

Début de la page

https://www.bafu.admin.ch/content/bafu/fr/home/themes/dangers-naturels/dossiers/hilfreiches-instrument-gegen-unterschaetzte-wassergefahr.html