7.9.2021 - L'environnement est un facteur essentiel pour la santé et les êtres vivants. Le 7 septembre est la Journée internationale « de l’air pur pour une planète saine ». Le but de cette journée est de sensibiliser un large public sur l’importance d’une bonne qualité de l’air et des mesures pour l’améliorer.
Chaque personne respire quotidiennement environ 15'000 litres d'air, essentiel pour la vie. Il contient malheureusement aussi des polluants en provenance du trafic, de l'industrie, de l'artisanat, de l’agriculture, des ménages, des installations de combustion, des matériaux de construction, ainsi que de la fumée de tabac. Ces polluants pénètrent dans nos poumons par le nez, la gorge et les voies respiratoires. Ils peuvent provoquer ou aggraver les crises d'asthme, les bronchites et les toux chroniques ou d'autres maladies des voies respiratoires et des poumons, et même des cancers du poumon. Ils agissent aussi par un raccourcissement de l'espérance de vie en raison des maladies cardio-vasculaires.
La protection de la population et des écosystèmes est prise en compte dans les valeurs limites d'immission de l’ordonnance sur la protection de l’air. Elles ne concernent pas que les polluants qui sont directement émis, mais aussi ceux qui résultent de la transformation d’autres polluants –précurseurs- dans l’air comme c’est le cas pour l’ozone, par exemple. Les valeurs limites en Suisse sont établies sur la base de l’ensemble des connaissances scientifiques relatives aux effets néfastes et tiennent compte de la sensibilité accrue de certains groupes de la population, tels que les enfants, ainsi que les personnes âgées ou malades.
Les nombreuses mesures de lutte contre la pollution atmosphérique adoptées et la collaboration interdisciplinaire sont fructueuses car elles ont permis de "mettre la promotion de la santé au milieu des politiques". Au cours des dernières décennies, l'air s'est améliorée grâce aux prescriptions légales basées sur les progrès technologiques. Les valeurs limites d'immission pour de nombreux polluants sont respectées sur une grande partie du territoire suisse. D’autres polluants, qui ne font pas l’objet de valeurs limites d’immissions, notamment les poussières ultrafines et les suies, ont aussi diminué depuis plusieurs années grâce à l’adoption de mesures durables qui permettent d’en limiter les émissions.
Les graphiques donnent une vue d'ensemble sur l’évolution des concentrations annuelles de poussières fines (PM10) et de dioxyde d'azote (NO2) par rapport aux valeurs limites d’immission (VLI).
L’amélioration de la qualité de l’air entraine aussi une amélioration de la santé de la population, en Suisse comme ailleurs, comme l’indique le Professeur Nino Künzli de l'Institut Tropical et de Santé Publique Suisse (Swiss TPH) dans l’interview ci-dessous.
M. le Professeur Künzli, la journée internationale « de l’air pur pour une planète saine», se tient le 7 septembre 2021. Pourriez-vous nous donner quelques informations sur l'état de l'air respiré en Suisse?
Les poussières fines et le dioxyde d'azote peuvent provoquer des réactions inflammatoires et endommager les voies respiratoires, ainsi que des symptômes cardio-vasculaires. En plus, les poussières fines peuvent contenir des substances cancérigènes telles que des métaux lourds, des suies ou du benzo[a]pyrène. L'ozone de son côté provoque des irritations des yeux, du nez et de la gorge. D’une manière générale, plus les concentrations sont élevées, plus la fréquence et l’importance des effets sont marqués. C’est la raison pour laquelle malgré les améliorations de la qualité de l'air en Suisse, la présence de polluants dans l'air a encore des effets néfastes sur la santé. Au niveau mondial, la pollution de l’air constitue actuellement, le principal risque environnemental.
Existe-t-il un lien entre COVID-19 et la pollution de l'air?
Des études confirment que des niveaux élevés de pollution atmosphérique, notamment de particules, affectent la santé et aggravent les maladies pulmonaires ou cardiovasculaires, en particulier chez les personnes âgées et celles qui présentent des affections préexistantes. La pollution atmosphérique peut donc aussi rendre les gens plus vulnérables au COVID-19. Les maladies chroniques, causées entre autre par la pollution atmosphérique, augmentent à la fois la probabilité de contracter la COVID-19 et la probabilité de subir une grave infection, la pneumonie et l'insuffisance respiratoire étant parmi les complications les plus fréquemment signalées. Pour ces groupes à risque COVID-19, le risque de décès est également de loin le plus élevé.
Un projet de l'Institut Tropical et de Santé Publique Suisse (Swiss TPH) va analyser plus en détail les interactions possibles entre la pollution de l'air et COVID-19. L'état actuel des connaissances sur le rôle de la pollution atmosphérique dans le développement des maladies chroniques permet de conclure que dans des pays comme la Suisse, qui ont mis en place des politiques de protection de l'air très efficaces et qui ont par conséquent de faibles niveaux de pollution, moins de personnes font aujourd'hui partie du groupe à risque COVID-19 que si la pollution atmosphérique était restée au niveau des années 1980 ou 1990. Cet avantage de la lutte contre la pollution de l'air n'a pas encore été quantifié pour l'épidémie de corona.
Comment fonctionne la recherche dans le domaine de la pollution de l'air et de ses impacts sur la santé?
Lors du célèbre épisode de smog de Londres en 1952, les niveaux de pollution étaient si élevés qu’une augmentation massive des décès et des hospitalisations en urgence ont été enregistrées dans tous les hôpitaux pour des problèmes respiratoires et cardio-vasculaires. Avec les niveaux de pollution qui règnent actuellement, ce n’est qu’en procédant par de grosses études épidémiologiques et des études expérimentales très détaillées que l’on peut observer les effets néfastes de la pollution. Cependant encore aujourd’hui les cas d’infarctus, des crises d’asthme et des décès peuvent se produire en cas d’augmentation des charges polluantes, qui ne se laissent toutefois pas directement observer dans un cabinet médical ou à l’hôpital.
Des centaines d’études scientifiques ont démontré les effets aigus dus à la pollution de l'air sur la santé de la population, aussi bien en Suisse que dans le monde. C’est toutefois l’exposition dans la durée qui est déterminante. Les recherches se basent essentiellement sur les études épidémiologiques de longue durée, qui portent sur des milliers de personnes, qui sont examinées au cours de nombreuses années et font l’objet d’examens approfondis, d’analyse de sang et de questionnaires détaillés. C’est de la recherche en condition réelle de vie des patients observés. Il est aussi tenu compte des acteurs d'influence comme la présence de maladies ou le fait de fumer, afin de déterminer les impacts de la pollution indépendamment d’autres facteurs affectant la santé. Ces études ne comparent pas seulement la différence ville-campagne comme certains le prétendent parfois.
En Suisse, la grande étude SAPALDIA a porté sur un groupe de 10'000 personnes qui ont été suivi durant 30 ans pour mettre en évidence les relations entre les effets sur la santé et la qualité de l'air respiré par ces personnes au cours de leur vie. L’étude nationale, conduite par le Swiss TPH, se poursuit. Le niveau de pollution au domicile de chaque participant a été déterminé au cours des 30 ans. Il a pu être démontré que la présence de concentrations élevées de polluants entrainait un risque accru pour différentes maladies. On a aussi observé que des effets néfastes pour la santé pouvait apparaître même avec des concentrations basses comme celles que l’on enregistre en Suisse.
L’étude SAPALDIA a également démontré d’une manière réjouissante qu’une amélioration de la qualité de l’air entraîne une amélioration significative de la santé. Par exemple, il a été observé que la baisse des concentrations de polluants provoque une diminution des symptômes chroniques des voies respiratoires et ralentit aussi la détérioration de la fonction pulmonaire liée à l’âge.
Quelles activités de recherche sur les effets de la pollution atmosphérique sur la santé sont actuellement en cours en Suisse?
Le Swiss TPH est impliqué dans divers projets de recherche. D'une part, une étude pluriannuelle est prévue dans le but de fournir des données nouvelles et actualisées pour mieux évaluer les liens entre la pollution de l'air, la santé et la morbidité associée à la pollution de l'air jusqu'aux faibles niveaux actuels de pollution de l'air.
Le Centre de documentation sur la pollution atmosphérique et la santé LUDOK participe également à une évaluation systématique des données épidémiologiques sur les effets de la circulation sur la santé, mandaté par l'Institut des effets sur la santé (Health Effects Institute HEI, USA).
D'autres contributions à la recherche, qui sont finalement aussi pertinentes pour la santé, sont apportées dans le domaine expérimental, dans la recherche sur les aérosols et dans les questions de technique de mesure et de modélisation des polluants par des groupes de recherche de l'EPF et des universités de Berne et de Fribourg.
Il y a toujours de nouveaux chiffres qui sont publiés au sujet des effets de la pollution de l’air sur la santé, qui diffèrent parfois fortement ce qui complique la compréhension par le public. Comment peut-on s’en sortir avec ces différents chiffres?
Les extrapolations appliquent de nombreuses données concernant la répartition des charges polluantes et un nombre croissant d’études épidémiologiques. Ces dernières fournissent des relations quantitatives entre les niveaux de pollution et les impacts sur la santé. Les méthodes de calcul pour ces extrapolations se développent et s’améliorent en intégrant des données actuelles. Il y a aussi différentes hypothèses qui sont choisies en fonction des questions à traiter. De plus, le nombre de personnes et la structure d’âge de la population se modifient. Cela entraîne que les résultats de ces différentes études peuvent varier assez fortement et apparaître contradictoire au premier abord. Il s’agit surtout de l’hypothèse et du choix des niveaux de fond, utilisés par les différentes modélisations, qui varient fortement d’une étude à l’autre.
Les travaux effectués jusqu’à maintenant en Suisse sur mandat de l’Office fédéral de l’aménagement du territoire ARE avaient adopté une concentration de référence de 7.5 microgramme/m3 et n’évaluaient que les dégâts et les coûts dus aux concentrations au-dessus de ce seuil de référence. Selon sa publication 2018, il était ainsi estimé que 2'200 personnes seraient décédées prématurément en 2015 des suites de la pollution de l’air, ce qui aurait engendré des coûts de santé de l’ordre de 6,5 milliards de francs. Du fait qu’il n’y a pas de seuil non nocif, les nouvelles études internationales ont adopté un niveau de référence beaucoup plus bas - à savoir 2,4 microgramme/m3 - que précédemment. Il en résulte que les impacts dus aux poussières fines en Suisse sont plus élevés que ce qui avait été calculé par le passé selon la méthode traditionnelle suisse.
D’autres études ont calculé les impacts uniquement au-dessus de la valeur limite légale, il en résulte des impacts de moins grande ampleur. Si en plus, la population augmente, même si la charge polluante reste identique, il en résultera un plus grand nombre de cas d’atteintes à la santé. De plus il ne faut pas oublier que toute modélisation est entachée d’une certaine incertitude dans les appréciations des données d’entrées. Ces différences méthodologiques importantes ne sont généralement pas mentionnées dans les brefs articles des médias, ce qui peut donner l’impression au public que les chiffres varient constamment et se « contredisent » partiellement. Ainsi on lit le message erroné que les atteintes à la santé augmentent alors que la pollution diminue. Ce n’est évidemment pas le cas. Si l’on applique des méthodes comparables, on peut bien démontrer que les améliorations apportées à la qualité de l’air se répercutent favorablement sur la santé de la population. La baisse de la pollution de l’air a entrainé aussi une diminution des maladies, des décès prématurés et des coûts de santé résultant de ces atteintes.
Contacts:
Swiss TPH, service de documentation LUDOK, ludok@swisstph.ch
Prof. Nino Künzli, Swiss TPH, nino.kuenzli@swisstph.ch
Néanmoins, il reste encore des défis importants. Comme indiqué dans le rapport sur la qualité de l’air en 2020, les concentrations de dioxyde d’azote sur différents sites proches du trafic routier, ainsi que les valeurs limites d'immission pour les poussières fines ne sont pas encore respectées partout . Les valeurs limites pour l'ozone sont dépassées dans presque toute la Suisse et les apports d'azote de l'air dépassent les charges critiques pour les écosystèmes dans de nombreux endroits. Il en résulte que des mesures supplémentaires de réduction des oxydes d’azote, des composés organiques volatils, de l’ammoniac et des poussières fines sont nécessaires.
Le centre de documentation sur l'air et la santé LUDOK, financé par l'OFEV et basé à l'Institut Tropical et de Santé Publique Suisse (Swiss TPH), en collaboration avec d'autres organisations de soutien telles que la Ligue contre le cancer, le « Lunge Zürich» (anc. Ligue pulmonaire Zurich) et les services cantonaux en faveur de la protection de l’air, a compilé les effets sur la santé des principaux polluants de l'air ambiant et les a présentés dans un graphique interactif.
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Dernière modification 07.09.2021